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21 octobre 2014 2 21 /10 /octobre /2014 14:16

Un article d'Evan Gershkovich

Lien:

http://isaanrecord.com/2014/10/19/isaan-poor-targeted-by-juntas-forest-policies/

 

Sakon Nakhon, le 1er octobre, 37 villageois du village de Jatrabiap ont été arrêté et détenu avant d'être remis en liberté sous caution pour une inculpation de récupération illégale et d'occupation d'une partie de la réserve forestière de Phu Phan.

En juin dernier, une "task force" composée de responsables du parc, de soldats et de policiers ont abattu des hévéas dans les fermes de 18 familles, soit 383 rai (151,4 hectares), dans le village de Non Jaroen situé dans la même réserve. Selon un militant local, les responsables prévoient d'éliminer un total de 10,000 rai d'hévéa dans la région d'ici la fin de l'année, une décision qui pourrait priver 700 ménages de tout revenu.

Ces actions sont en ligne avec la politique du Conseil national pour la paix et l'ordre (NCPO) qui est arrivé au pouvoir suite à un coup d'Etat en mai dernier. Selon Laothai Ninuan, un conseiller de l'Assemblée des pauvres et du réseau du Nord-Est pour le développement des pauvres sur les questions foncières et forestières basés dans la région, les autorités de l'Etat sont en train d'expulser plus de 50 communautés des zones forestières du Nord-est.

L'attitude de plus en plus agressive de la part des autorités de l'Etat fait partie d'une tendance qui vise à expulser plus de 50 communautés du Nord-est des zones forestières et menace les moyens de subsistance de ce qu'un fonctionnaire de la foresterie a estimé à pas moins de deux millions de personnes dans tout le pays.

En juin dernier, le NCPO a publié l'article 64, qui appelle à la fin de la déforestation et à l'empiètement. L'ordre a pour but de réglementer les opérations commerciales corrompues à grande échelle dans les forêts de la réserve. L'Ordre 66, publié trois jours plus tard, affirme que les personnes pauvres ou sans terre vivant sur ​​des terres de réserve avant l'article 64 ne doivent pas être compromises.

L'avocat représentant les villageois de Jatrabiap, Sai Thongdeenok, ne croit pas que l'Ordre 66 ait effectivement fonctionné en tant que contrôle efficace de l'article 64.

"Dans la pratique, l'article 64 a principalement été appliqué contre les villageois ordinaires plutôt que les investisseurs de grande envergure", explique M. Sai.

Les villageois ont peu de moyen pour faire face aux expulsions. Avec l'aide de M. Laothai, les villageois de Non Jaroen ont envoyé une pétition à la Commission des droits de l’homme de Thaïlande (Human Rights Commission of Thailand, sigle anglais: NHRC) demandant que le NCPO annule ses plans pour détruire les arbres à caoutchouc restants. La NHRC a reçu plus d'une douzaine de ces pétitions.

Une réunion à Bangkok entre le NCPO et le ministère des Ressources naturelles et de l'Environnement a eu lieu le 10 août lors de laquelle le NCPO a été invité à modifier sa politique en ce qui concerne l'empiètement des forêts.

Apparemment sans succès, quatre jours après la réunion de Bangkok, M. Palinchai Sonsoe, le chef du district de Phu Phan, a rendu une ordonnance ordonnant aux villageois de Jatrabiap de quitter la terre qu'ils utilisaient pour cultiver des hévéas. Après leurs refus, M. Palinchai a émis un mandat d'arrestation.

Il est question de savoir à qui bénéficient ces hévéas. Les autorités locales affirment que les investisseurs poussent les agriculteurs à exploiter le caoutchouc. M. Palinchai ne croit pas que les villageois peuvent se permettre de faire pousser des hévéas de leur propre initiative.

"La culture d'hévéas n'a pas été décidé par les pauvres", a-t-il affirmé. "Elle a été organisé par des investisseurs qui embauchent les villageois afin de travailler pour eux."

Lorsqu'on lui a demandé des preuves comme quoi des investisseurs avaient engagé les villageois afin de travailler pour eux, M. Palinchai n'a pas pu en produire.

Les villageois locaux cultivent le manioc et la canne à sucre. En 2001, les autorités locales ont introduits des plants de caoutchouc dans la région dans le cadre de la politique agricole de la première administration de Thaksin Shinawatra.

Contrairement aux affirmations du gouvernement, les villageois disent qu'ils sont propriétaires des arbres et que maintenant le revenu de nombreuses familles dépend uniquement du caoutchouc.

Mme Sunan Singwong, une agricultrice de 28 ans du village de Jatrabiap, explique que les familles ont commencé avec un rai et ont ensuite ajouté progressivement un rai à la fois. Mme Sunan affirme que les parents qui travaillent dans d'autres provinces fournissaient de l'argent pour aider à développer plus d'hévéaculture.

Selon M. Laothai, une famille moyenne dans le village de Jatrabiap détient une participation modeste d'environ 15 rai. Chaque mois, une famille gagne généralement environ 1000 bahts par rai pour la récolte de caoutchouc. Avec deux personnes qui travaillent les arbres pour une moyenne de 15 rai, ils peuvent espérer gagner environ 300 bahts par jour.

Bien que ne faisant pas partie des plus pauvres, ces familles ne sont pas riche non plus. C'est pour cette raison que M. Laothai affirme que les villageois ne sont en aucun cas les propriétaires riches que l'article 64 du NCPO cherche à cibler et devraient être protégés par l'ordonnance 66.

Bien que les villageois de Non Jaroen et Jatrabiap affirment vivre sur ​​leurs terres depuis des générations, le domaine a été nommé parc national de Phu Phan en 1972. Après des négociations avec les villageois et les ONG en 1993, les ministres ont publié une résolution autorisant le Bureau de la réforme des terres agricoles à allouer des terres aux villageois.

Mais maintenant, le gouvernement semble être sur le point de révoquer cette résolution. M. Palinchai insiste pour dire qu'il suivra l'ordre du NCPO. "Je dois saisir toutes les réserves de la zone de la forêt", dit-il. "Les hévéas doivent être coupés et détruits."

Cependant, la politique du NCPO conduit à l'insécurité foncière et menace les moyens de subsistance de deux millions de familles à travers le pays. Mme Sunan a peu de doute sur la volonté du gouvernement. "Je pense que le gouvernement va couper nos arbres et saisir notre terre," dit-elle. "Mais nous sommes pauvres. De ce que j'ai entendu parler du [NCPO], il affirmerait que si nous sommes pauvres, nous devrions être en mesure de conserver notre terre".

Le Dr Komsan Rueangritsakul du Bureau de la Département royal de l'office de gestion communautaire des forêts a reconnu les problèmes avec l'ordre du NCPO dans une interview précédente.

"Ce problème est un vieux, vieux problème, mais notre première priorité est de faire en sorte que plus de terres forestières soient converties à un usage commercial", a-t-il déclaré à Khao Sod. "Il y a deux millions de personnes dans les zones forestières protégées en Thaïlande, et ce ne sont pas des criminels, ce sont des agriculteurs."

M. Laothai craint que la criminalisation des villageois dans le Nord-est va continuer. Il craint également que lui-même pourrait être arrêté.

"Ce n'est pas que j'ai peur pour moi-même", dit M. Laothai. "Je me bats contre la dictature depuis longtemps. Nous avons eu beaucoup de coups d'Etat en Thaïlande. Mais si je me rendais dans ces zones, cela serait encore pire pour les villageois; les militaires penseraient que je suis en train de susciter un mouvement politique dans la région. "

Sa crainte n'est pas rare dans le climat de la loi martiale. L'interdiction de toute discussion politique et des réunions de groupes de cinq personnes ou plus ainsi que les "assignations" fréquentes d'autres dirigeants AOP a fait réfléchir beaucoup de gens comme M. Laothai.

"Je dois juste faire attention", explique-t-il.

Le Dr Sataporn Roengtam, professeur d'administration publique à l'Université de Khon Kaen, estime que le ciblage des villageois par des officiers de district continuera à moins que la politique du gouvernement ne soit clarifiée et protège les droits des pauvres.

"En Issan, il y a beaucoup de paysans pauvres qui plantent quelques rai d'hévéa, mais les autorités locales ne font pas de distinction entre les pauvres et les grosses entreprises dirigées par des gens corrompus qui prennent des terres en l'état, selon la politique qui a été fait pour cela", a-t-il affirmé dans une interview.

Comme les villageois, le Dr Sataporn estime qu'il existe un décalage entre les décideurs et les gens sur le terrain. "Je me suis entretenu avec beaucoup de gens à ce sujet, et je ne pense vraiment pas que les responsables gouvernementaux mettent vraiment cette politique en place contre les grandes opérations commerciales; ce sont les fonctionnaires subalternes du gouvernement qui utilisent cette politique pour tirer profit des pauvres. Et cela est un gros problème en Thaïlande en ce moment."

La première audience dans l'affaire contre les villageois de Jatrabiap est prévue pour le 21 novembre. Le procureur, M. Sai, est incertain quant à l'issue de l'affaire; Ban Jatrabiap est situé dans le parc national de Phu Phan, note-t-il, et la résolution du Cabinet de 1993 ne permet pas la culture de l'hévéa.

M. Sai craint que le tribunal ne décide d'imposer des sanctions sévères, qui pourraient inclure jusqu'à quinze ans de prison, la confiscation des terres, et des amendes allant jusqu'à 150 000 bahts par rai en cas de violation.

Phinitnan Chanasabaeng a contribué à ce reportage.

Evan Gershkovich est un journaliste indépendant basé à Bangkok.

Un villageois de Jatrabiap compte les hévéas qui lui restent; les autorités envisagent de couper le reste à la fin de l'année.

Un villageois de Jatrabiap compte les hévéas qui lui restent; les autorités envisagent de couper le reste à la fin de l'année.

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