Un article de Chatwadee Rose Amornpat
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http://asiapacific.anu.edu.au/newmandala/2015/09/15/the-perils-of-prayuth/
Le leader de la junte général Prayuth Chan-ocha est non seulement une source d'embarras pour la Thaïlande, mais met en danger le pays.
L'homme derrière le dernier coup d'État thaïlandais du 22 mai 2014 est le général Prayuth Chan-ocha, un proche collaborateur de la Reine de Thaïlande depuis de nombreuses années.
C’est un ultra-royaliste qui a servi les membres de la famille royale avec brio, recevant de nombreux titres et décorations royales.
Prayuth est imprévisible et ose faire des choses que la plupart des officiers de l'armée n’oseraient pas. Cela pourrait être l'un des facteurs expliquant pourquoi il a été promu chef de l'armée en 2010.
Le dernier coup d'État de la Thaïlande n’est pas le seul dans lequel Prayuth a été impliqué. Il a été crédité avoir eu un rôle clé dans le coup d'État de 2006 qui a renversé le Premier ministre Thaksin Shinawatra.
Malheureusement, renverser des gouvernements élus n’est pas le pire du comportement de Prayuth.
Après s'être nommé lui-même Premier ministre l'an dernier, Prayuth s’est comporté de manière tellement bizarre qu’il a mis la honte à la Thaïlande. Son comportement est à la fois dangereux et nuisibles pour le pays.
Sa liste de tirades, de crises de colère, de gueulantes et de gaffes qui mettent les pieds dans le plat, est longue.
Par exemple, en septembre 2014, après que deux touristes britanniques aient été assassinés sur l'île thaïlandaise de Koh Tao, Prayuth a fait une déclaration accablante et a déclenché un tollé en insinuant que les visiteuses étrangères – du moins les touristes sexy - se mettaient en danger en se promenant légèrement vêtues.
"Je vous demande si elles sont en sécurité quand elles portent des bikinis en Thaïlande? Seulement si elles ne sont pas assez belles", a-t-il dit.
Il a même reconnu avoir été en proie à de multiples personnages. En novembre 2014, il a déclaré à la presse:
Je suis bien conscient que j’ai un tempérament colérique.
Aujourd'hui, je me suis beaucoup calmé... je dois vous remercier pour les avertissements et suggestions. Et je ne vais pas changer ma personnalité, parce que j'ai déjà plusieurs personnalités.
Et bien sûr, il n’est pas défavorable aux menaces et à la violence physique.
En novembre dernier, alors qu’il donnait une conférence de presse improvisée à des journalistes, la plupart d’entre eux thaïlandais, dans la ville du Nord-est de Khon Kaen, Prayuth répondait aux questions tout en tapotant la tête d'un caméraman agenouillé en face de lui, puis il a commencé nonchalamment à masser et tripoter l'oreille de l'homme.
En décembre, lorsque les journalistes thaïlandais ont demandé à Prayuth de faire face à la caméra au cours d'un événement public qu'ils couvraient, le chef de la junte a épluché une banane qu'il mangeait et a lancé la peau sur leurs têtes.
Bien sûr, rien ne l’insupporte plus que la critique de lui-même, de son leadership et de son gouvernement, le soi-disant Conseil national pour la paix et l'ordre.
En mars, il a déclaré: "L'autre jour, un journaliste m'a demandé ce que le gouvernement avait fait. J’ai presque frappé cette personne au visage. J'ai fait tellement pour le pays. Vous ne voyez pas?"
Ce même mois, tout en donnant un discours, il a sorti ce petit joyau sur les mérites relatifs (et les définitions) de la liberté:
"Dans le passé, notre société a connu de nombreux problèmes parce que nous étions trop démocratique. La Thaïlande reste "99 pour cent" libre, parce que si elle ne l’était pas, nous aurions emprisonné (nos adversaires) et les aurions mis devant le peloton d'exécution. Ensuite, tout cela serait fini et je n’aurais pas à rester éveillé la nuit."
Dernier point mais pas le moindre, Prayuth a reçu un mandat du palais pour extirper le clan Shinawatra de la politique thaïlandaise.
Un cas juridique en cours signifie que Yingluck Shinawatra pourrait bientôt subir le même sort que son frère, qui vit actuellement en exil.
Le litigieux régime de subvention du riz initié alors que Yingluck était Première ministre a été conçu pour aider à stimuler les revenus des agriculteurs thaïlandais en achetant leur riz au-dessus des prix du marché.
Cette politique phare a aidée à la pousser au pouvoir, mais a aussi laissé la Thaïlande avec une montagne de dettes et de riz. Ce régime du riz a été le prétexte de l’interdiction de Yingluck de politique pendant cinq ans.
La junte militaire royaliste poursuit également Yingluck pour ce régime, alléguant que son gouvernement aurait perdu des dizaines de milliards de baht. Le gouvernement actuel de la junte est susceptible d'exiger une compensation de Yingluck et de son précédent gouvernement.
Si ce coup d'État judiciaire est réussi, tous les actifs de Yingluck seront saisis et elle pourrait faire face à une peine d'emprisonnement. Mes sources en Thaïlande ont indiqué que les plus hautes élites voudraient qu’elle quitte le pays, tout comme M. Thaksin.
Cependant, ce qui devrait le plus concerner les gens à propos de Prayuth, plus encore que son comportement étrange et son désir d'extirper le clan Shinawatra, c’est la "carte de la Chine" qu’il joue maintenant et dont il fait l’étalage devant l'Occident. Il a fermement dirigé la Thaïlande dans les bras de la République populaire de Chine.
Par exemple, plusieurs contrats ont été attribués à la Chine pour la construction de méga projets en Thaïlande, y compris un train à grande vitesse reliant les deux pays. Une délégation d’officiers de haut rang des forces royales a également visité récemment la Chine.
Ceci est un jeu très dangereux que Prayuth est en train de jouer, à la lumière de plusieurs programmes précieux d'assistance que la Thaïlande a reçu des pays de l'Ouest, y compris les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie.
Chatwadee Rose Amornpat est basée à Londres. Elle a été accusée de lèse-majesté par la junte militaire thaïlandaise en juillet 2014.