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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 03:54

Un article de John Roberts
Lien de l'article en anglais:

http://www.wsws.org/articles/2012/may2012/thai-m05.shtml


Un procès est actuellement en cours à la Cour pénale de Bangkok, celui de Somyot Pruksakasemsuk, qui est accusé de violation de l'article 112 du Code pénal thaïlandais, celui qui traite de la lèse-majesté ou d'infractions contre le roi et la famille royale thaïlandaise. Cette affaire est similaire aux centaines d'autre du même genre qui ont été portées par le précédent gouvernement soutenu par l'armée de l'ancien premier ministre Abhisit Vejjajiva et utilisées comme un moyen d'intimider ses adversaires.
Le fait que cette loi anti-démocratique demeure en vigueur et que les procès se poursuivent souligne l'accord politique du gouvernement actuel de Yingluck Shinawatra avec les élites traditionnelles du pays, l'armée, la bureaucratie d'État et la monarchie. Lors d'un accord conclu avant les élections nationales de juillet 2011, Yingluck a accepté de rester en dehors des affaires militaires et de ne pas toucher à la loi de lèse-majesté si elle était autorisée à arriver au pouvoir.
Cette trêve a mis fin à cinq ans de luttes politiques intestines au sein des élites dirigeantes du pays après que l'armée ait évincé le frère de Yingluck, Thaksin Shinawatra, en 2006. Le résultat, cependant, est que les critiques de l'ancien gouvernement d'Abhisit et de ses alliés de l'armée et de la monarchie conduisent maintenant à de longues peines de prison sous l'inculpation de lèse majesté, une loi chargée d’emprisonner ceux qui dénigrent la monarchie.
La loi de lèse majesté est une question politiquement sensible, car la monarchie a joué un rôle essentiel dans la protection de l'appareil d'Etat thaïlandais. En temps de crise, le roi thaïlandais a été en mesure de se mettre en avant comme arbitre neutre et d'intervenir pour désamorcer l'opposition au développement, celui de l'armée en particulier (crise politique de 1992). Au cours des six dernières années, cependant, la monarchie a été de plus en plus perçue comme agissant de façon partisane contre la faction Thaksin de l'élite dirigeante. C'est pourquoi il y a une plus grande utilisation de la loi de lèse-majesté pour bloquer les critiques.
Somyot, âgé de 50 ans, a une longue histoire en tant que militant des étudiants et des organisations syndicales ainsi que comme journaliste. Il est accusé de lèse-majesté pour deux articles parus dans la revue "Voice of Taksin" (La Voix de Taksin) en 2010, quand il était rédacteur en chef. Somyot a été arrêté le 30 Avril, 2011 et est emprisonné depuis cette date. Huit demandes de libération sous caution ont été rejetées. S'il est reconnu coupable, il encourt jusqu'à 15 ans de prison.
Plus de 30 policiers ont été impliqués dans l'affaire Somyot, y compris ceux du Centre pour la Résolution de la Situation d'Urgence (CRES, en anglais: Resolution of the Emergency Situation), du Département des Enquêtes Spéciales (DSI, en anglais: Department of Special Investigations), du Conseil d'Etat, du Conseil National de Sécurité, de la National Intelligence Agency et du ministère de l'information et de la technologie des communications.
Le 19 avril, le deuxième jour du procès de Somyot, les questions de la défense aux témoins de l'accusation ont soulignées le caractère arbitraire et politique des chefs d'accusation.
Le colonel Wijan Jodtaeng, de la Sécurité du Commandement des Opérations de l'Armée, a admis qu'il n'avait jamais lu les deux articles concernés avant d'ordonner au CRES de déposer une plainte pour lèse-majesté, ce qu'il a fait en août 2010. Le CRES était dirigé à l'époque par l'adjoint d'Abhisit pour les affaires de sécurité, Suthep Thaugsuban.
Le colonel Nuchit Sribunsong a reconnu qu'il ne savait pas qui avait écrit ces articles sous le pseudonyme de "Jitr Pollachan." Il a déclaré que les articles en question constituaient de la lèse-majesté car ils mentionnaient des incidents survenus au cours des premières années de la dynastie Chakri à la fin du XVIIIe siècle, à la suite de la mort du roi Taksin.
La responsabilité d'examiner les articles et leur possible infraction pour lèse-majesté a été donnée à deux étudiants en droit de l'Université Thammasat, qui étaient stagiaires au Département des Enquêtes Spéciales (DSI) à l'époque.
Le procès de Somyot a eu lieu à la suite de la répression sanglante du gouvernement d'Abhisit contre le Front Uni pour la Démocratie contre la Dictature (UDD) pro-Thaksin. Des troupes armées, agissant sur les ordres du gouvernement d'Abhisit soutenu par les militaires, avaient brisés férocement le campement des Chemises rouges situé dans le district commercial de Bangkok (au moins 91 Chemises rouges ont été tués lors de cette répression).
Bon nombre des partisans des Chemises rouges étaient des pauvres des zones urbaines et rurales qui ont soutenu Thaksin en raison des politiques sociales de son gouvernement, y compris des soins de santé gratuits et des prêts à très faible taux d'intérêt pour le développement des villages, mis en place durant la période de 2001 à 2006. Ils ont dénoncé le coup d'Etat militaire de 2006 et l'éviction judiciaire ultérieure de gouvernements pro-Thaksin en 2008.
Suite à ces tensions politiques, le nombre de cas de lèse-majesté renvoyé devant les tribunaux a drastiquement augmenté contre les Chemises rouges. À partir de seulement 33 cas en 2006, le chiffre a augmenté à 164 cas en 2009 et a atteint son sommet en 2010, 478 cas, avant de retomber à 85 cas l'an dernier.
Le cas de Somyot est seulement l'un des cas les mieux connus. Surachai Danwattananusorn, qui est âgé de 71 ans, purge actuellement sept ans et demi de prison pour trois chefs d'accusation comme quoi il aurait insulté le roi en 2010. Il a plaidé coupable, en février 2012, en échange d'une peine plus légère, quelque chose que Somyot refuse de faire.
Le tribunal de Bangkok rendra son verdict le 30 mai 2012 dans le cas de la webmaster Chiranuch Premchaiporn, dont le procès s'est terminé en février de cette même année. Elle a été accusée en vertu de la loi sur les crimes d'avoir mis trop de temps à supprimer des commentaires lèse-majesté sur son site web. Le gouvernement thaïlandais d'Abhisit a bloqué des milliers de sites web en raison de contenu lèse-majesté. Entre 2007 et 2010, quelque 75.000 sites ont été bloqués ou suspendus.
Le gouvernement de Yingluck a continué ces poursuites, en partie pour apaiser la monarchie et l'armée. Le vice-premier ministre Chalerm Yuamrung a mis en place une "war room" (chambre de guerre) pour faire face à de possibles infractions de lèse-majesté en ligne et a déclaré que les sites Web qui offensent la monarchie "ne seront pas toléré par le gouvernement."
Plus fondamentalement toutefois, Yingluck, son frère Thaksin, et leur parti Puea Thai ont tout aussi peur de l'élargissement de l'opposition populaire à la monarchie et à l'appareil d'Etat que leurs rivaux de l'establishment politique; Lors des protestations de 2010, le mouvement "chemise rouge", originaire de la population urbaine et rurale pauvre, est allé au-delà de la demande du Puea Thai pour des élections anticipées et a commencé à exprimer ses préoccupations au sujet de l'inégalité sociale et de la domination politique des élites traditionnelles du pays.
Comme la crise économique mondiale a eu un impact sur la Thaïlande, l'économie a ralentie et les tensions sociales ont continué à augmenter. La classe dirigeante dans son ensemble s'est réuni pour défendre ses affaires et utilise la loi réactionnaire de lèse-majesté comme un moyen pour se protéger de quiconque menace et remet en question l'appareil d'Etat existant et risque par ce fait de saper les mécanismes cruciaux de la domination bourgeoise.

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