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9 mars 2015 1 09 /03 /mars /2015 16:53

Un article de Kevin Hewison

Lien:

http://kyotoreview.org/issue-17/inequality-and-politics-in-thailand-2/

 

Écrivant sur la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville est resté célèbre pour avoir déclaré "l'égalité générale des conditions de la Fondation de la démocratie américaine". Pour la Thaïlande, c'est différent, car c'est l'inégalité générale qui la définie comme condition de base. En modifiant les mots de Tocqueville, nous pouvons dire que l'inégalité de la Thaïlande a une influence prodigieuse qui s'exerce sur tout le cours de la société en donnant une certaine direction à l'idéologie de l'État et un ténor particulier aux lois en offrant des maximes au pouvoir régissant et des habitudes aux gouvernés. L'influence de l'inégalité s'étend au-delà de la politique et du droit: elle crée des opinions, engendre des sentiments, suggère les pratiques ordinaires de la vie, et modifie tout ce qu'elle ne produit pas. L'inégalité des conditions en Thaïlande est le fait fondamental dont tous les autres découlent.

- LA PAUVRETÉ, LES REVENUS ET LES INÉGALITÉS

Les inégalités économiques et politiques en Thaïlande se renforcent mutuellement selon des conditions qui ont résulté de la façon dont les gains de la rapide croissance économique ont été capturés par les élites. La préservation de ces privilèges produit une structure politique qui est basée sur l'exclusion et est dominée par une élite autoritaire. Pendant une bonne partie de sa période de croissance économique rapide depuis les années 1950, les régimes autoritaires ont dominé en promouvant le capitalisme et l'incubation des classes capitalistes et moyennes, tout en limitant les droits politiques. La croissance a réduit la pauvreté mais l'inégalité est restée élevée. Ainsi, tandis que la croissance a été bénéfique pour la plupart, c'est la classe capitaliste et ses alliés qui ont bénéficiés de la plupart des gains.

La pauvreté n'a pas réduit les inégalités parce que les augmentations de revenu ont été concentrées avec le bien-être. De 0,45 à 0,53, l'indice de Gini est demeuré élevé depuis les années 1980 et s'est reproduit pour d'autres mesures de la richesse. Les données de 2007 montrent que 10% des familles contrôlent plus de 51% de la richesse tandis que les 50% les plus pauvres n'en contrôlent que 8,5%. Pour les terrains, les maisons et les autres actifs, seul 10% de la population détient environ 90% des terres privées. D'autres données démontrent une redistribution des revenus du travail vers le capital, avec une augmentation de la productivité par le travail ayant largement bénéficiés au capital du fait de l'augmentation des profits. Jusqu'à la fin de 2011, la stagnation des salaires réels étaient une partie de cette tendance.

- EXPLIQUER LES INÉGALITÉS

Ce modèle d'exploitation et d'inégalité existe depuis longtemps. En fait, les chercheurs ont rapporté des données similaires à celles citées ci-dessus au cours de plusieurs décennies. Dans les années 1960, Bell a identifié d'importants transferts excédentaires de la région pauvre du Nord-Est, "région sous-développée ou les producteurs étaient exploités par de bas salaires et des rendements agricoles pauvres."

1 - Trois décennies plus tard, Teerana a conclu que la réduction de la pauvreté n'avait pas réduit l'écart des revenus et a montré que l'inégalité en Thaïlande était très élevée par rapport à celle d'autres économies asiatiques.

2 - Quelles sont les raisons de la persistance de l'inégalité? Les meilleures réponses se trouvent dans la politique de l'Etat et le pouvoir structurel du capital.

L'État et la politique

Les études de la politique de l'Etat indiquent une fracture rurale-urbaine de longue date. L'industrialisation promue par l'Etat a abouti à une plus grande classe ouvrière, mais avec une forte intensité capitalistique, le secteur ne pouvait pas absorber tous les migrants ruraux qui s'étaient déplacés vers les zones urbaines pour trouver du travail. Le résultat a été un vaste secteur informel où les travailleurs sont restés en dehors du système de protection sociale limitée de l'État. Cela a contribué à l'inégalité alors que les transferts de l'Etat ont été dirigés vers le secteur formel.

De même, l'investissement de l'État dans l'éducation a été concentré dans les zones urbaines. Lorsque l'économie s'est développée rapidement, les dépenses de l'Etat pour l'éducation sont restées faibles pendant une longue période. Dans les années 1960, alors que les agriculteurs et les travailleurs constituaient 85% de la population, seul 15,5% des étudiants universitaires étaient originaires de ces groupes. Vers le milieu des années 1980, ce taux a chuté à seulement 8,8%. Ainsi, les classes inférieures ont été exclues d'une avenue importante pour se retrouver dans des travaux peu rémunérés et peu qualifiés.

Les politiques fiscales ont également fait preuve de discrimination envers les pauvres. Les taux élevés de protection des industries ont discriminé l'agriculture et, pendant des décennies, une taxe régressive sur le riz a transféré les richesses des campagnes vers les villes. Dans les années 1990, de nombreuses taxes régressives ont permis aux riches d'être gagnants dans le système fiscal. En 2012, les politiques et les dépenses budgétaires de l'Etat sont restés en faveur des riches. L'impact de ces politiques a été une redistribution économique allant dans le sens des pauvres vers les riches.

Ces programmes ont été complétées par une politique de haut rendement à faible salaire qui a été maintenue par le gouvernement et les entreprises et a transféré la richesse au capital.

Classe et pouvoir

Le pouvoir politique nécessaire pour maintenir la stratégie de bas salaires/hauts profits est un ensemble de stratégies de l'Etat et du monde des affaires impliquant le droit, la politique, l'idéologie et la coercition. Lors de la plupart de la période de la rapide croissance économique, les politiques subalternes ont été limitées, souvent fortement réprimées. Ces stratégies fondées sur les classes sociales cherchent à maintenir des régimes autoritaires en limitant la politique électorale.

Le clientélisme ou la "politique de l'argent" marginalise l'attention de la politique à l'inégalité en obtenant un soutien politique particulariste, et a été la politique dominante, au moins jusqu'en 2001. Lorsque des élections avaient lieu, elles impliquaient un tel éventail de partis politiques que les gouvernements de coalition restaient toujours faibles et que les partis concernées ne développaient jamais leurs programmes au-delà des politiques locales. Cette politique excluait la majorité et conservait des institutions représentatives faibles, permettant à l'armée et à la monarchie de dominer. Le résultat a été que l'inégalité n'était pas abordée par les élites politiques et les groupes exclus ont dû accepter des marchandages politiques particularistes plutôt que des attentions programmatiques aux questions de redistribution, au moins jusqu'à ce que Thaksin Shinawatra soit élu en 2001.

- RÉPONDRE AUX INÉGALITÉS

L'inégalité et les structures qui la maintiennent ont été contestées. Plus récemment, les longues manifestations des Chemises rouges de 2009 et 2010 ont été l'un de ces défis. Lors du rejet du coup d'Etat de 2006, un débat sur la liaison entre l'inégalité et la démocratisation a émergé. Cette liaison résulte d'une série de crises politiques et économiques qui ont commencées avec le coup d'Etat militaire de 1991, le soulèvement civil subséquent de mai 1992, et la fin de la longue période d'expansion en 1997. La Constitution de 1997 a suivi et cela a changé les règles politiques.

Les seuls gouvernements élus en vertu de la Constitution de 1997 ont été ceux de Thaksin en 2001 et 2005. Formé en 1998, le Thai Rak Thai de Thaksin (TRT) est devenu électoralement un Parti populaire en raison de prometteurs changements politiques pour les pauvres, dont un moratoire de la dette pour les agriculteurs, des prêts bonifiés au niveau communautaire et, plus définissant, des soins de santé universels. Pour la première fois, un parti politique promettait, et mettait en place une fois élu, des programmes universels relatifs à la pauvreté et au bien-être. Le ralentissement économique, qui a débuté en 1997, avait affaibli l'élite, et sa crainte d'un conflit social a été suffisante pour qu'elle accepte l'accord politique de Thaksin avec les masses.

Non seulement le TRT est devenu extraordinairement populaire, mais les électeurs ont découvert qu'un gouvernement plus sensible à leurs problèmes était possible. Ces conséquences ont déstabilisé l'élite. Les royalistes craignaient que les politiciens élus et populairement considérés comme Thaksin ne soient dangereux pour eux car ce dernier semblait établir une popularité qui entrait en compétition avec celle de la monarchie. Après l'écrasante réélection de M. Thaksin en 2005, les hommes du palais comme le président du Conseil privé Prem Tinsulanonda ont perçu cette diminution de la centralité politique autour de la monarchie comme une menace, et cette perception a déclenché une lutte politique, encore inachevée de nos jours, afin de limiter la politique électorale.

Les conservateurs ont vu les élections comme posant des menaces envers leur point de vue comme quoi la politique devrait fonctionner avec la monarchie en tant qu'institution primordiale. Ils ont pensé que la politique électorale sapait le rôle fondamental de la monarchie vis-à-vis de l'ordre social et politique. Thaksin avait également contesté le statu quo en secouant la bureaucratie, ce qui la rendait plus sensible aux élus et au public. En restructurant la bureaucratie et les ministères de restructuration, Thaksin a promu ses favoris, et les hauts fonctionnaires qui contrôlaient la population depuis des décennies se sont sentis en danger. De même, Thaksin a contesté la classe capitaliste en exigeant que les entreprises nationales soient plus compétitives. Les opposants ont pensé que les entreprises Shinawatra cherchaient à gagner un avantage concurrentiel et ont perçu ce réarrangement du pouvoir économique comme une menace.

Thaksin n'était pas pleinement conscient de la menace qu'il posait pour la coalition politique de l'élite du palais, des militaires et du milieu des affaires, et son non-respect des hiérarchies traditionnelles a fait qu'il a été identifié comme dangereux. L'attention de Thaksin pour les classes inférieures a été la raison pour laquelle une coalition des forces conservatrices, hiérarchiques et autoritaires en sont venu à s'opposer à son gouvernement. Le résultat a été le coup d'Etat de 2006. Le coup d'Etat n'a pas mis fin à cette contestation des élites traditionnelles et les Chemises rouges ainsi que d'autres partisans de Thaksin se sont opposés au palais et à l'armée. En exigeant de nouvelles élections en 2010, les Chemises rouges se sont engagés dans une protestation prolongée, concentrant leur rhétorique politique sur les inégalités.

Les manifestants ont adopté un célèbre ancien mot pour définir les roturiers en Thaïlande, "phrai", afin de désigner leur position vis-à-vis de l'ammat ou des "aristocrates au pouvoir". Ils ont souligné les doubles standards de la loi, la monopolisation du pouvoir politique par "l'ammat", et ont exprimé un ressentiment profondément ressenti de l'inégalité. Malgré les affirmations comme quoi les Chemises rouges étaient des radicaux, leurs demandes étaient réformistes: "Nous voulons un Etat capitaliste libre dans lequel l'écart entre les riches et les pauvres soit réduit. Nous voulons créer plus d'opportunités pour les pauvres".

Cet appel au statut des classes a irrité l'élite, d'autant que les protestations avaient développées une solidarité considérable de la part des plus pauvres.

Cette solidarité s'est développée à travers la mobilisation politique, les habitudes de vote et les données économiques. Les habitudes de vote étaient alignées avec les régions les plus pauvres du Nord et du Nord-est, plusieurs provinces de la région centrale et les zones de la classe ouvrière autour de Bangkok votant systématiquement pour les partis pro-Thaksin. En 2007, la moyenne du produit provincial brut par habitant dans les provinces qui ont voté pour le Parti Démocrate soutenu par l'élite était près de 2,4 fois plus élevée que dans les provinces qui soutenaient le parti pro-Thaksin.

- LA POLITIQUE DES INÉGALITÉS

Des revenus relativement faibles, la propriété biaisée et le détournement des revenus vers les riches indiquent une tendance de longue date de l'exploitation. S'il y a eu des révoltes contre cette exploitation, celles-ci n'ont pas modifié cette tendance. L'élite répond habituellement à ces "rébellions" par la répression. Lorsque les contestations aboutissaient à la politique électorale, que les manifestants ont exigé en 1973, 1992, 2009 et 2010, le résultat a été le clientélisme politique qui permettait de dénigrer les politiciens civils comme étant mauvais et corrompus. Ce dénigrement a ouvert la voie à des interventions militaires et royales afin de ré-établir la répression, l'autoritarisme et la domination des élites. Lorsque l'élite impose ses règles, elle légitimise son droit à gouverner, en s'appuyant sur ses conceptions de l'ordre, de l'autorité et de la morale. Au cœur de ce système se trouve une revendication comme quoi la monarchie serait indispensable et que les règles de l'élite seraient en phase avec l'autorité morale du roi.

Ceux qui contestent cette idéologie ont demandé à plusieurs reprises une représentation et des politiques qui remettraient en question cette exploitation. Plus précisément, il y a eu un support inébranlable pour la politique électorale. Depuis le coup d'Etat de 2006, lorsque des élections ont été autorisées, les électeurs ont élu à plusieurs reprises des gouvernements pro-Thaksin. Il ne s'agit pas d'un pro-Thaksinisme de la part de l'électorat mais cela équivaut à un soutien pour la politique électorale et aux partis perçus comme représentant les intérêts des plus pauvres. L'électorat venu des classes rurales et du travail semble rejeter le clientélisme politique et désire peut-être une société mieux organisée, moins hiérarchique et avec moins d'exploitation.

Pour beaucoup de Chemises rouges, la démocratie signifie une politique électorale plutôt que des coups d'Etat. Ils identifient l'inégalité comme étant un "double standard" notamment dans le cas de la soumission des tribunaux vis-à-vis du pouvoir extra-politique. Les Chemises rouges exigeaient un état où "le pouvoir politique appartiendrait vraiment au peuple thaïlandais". Ils voulaient un "État juste et équitable", où "les gens soient libérés de l'oligarchie aristocratique (ammat) et soient fiers de la liberté et de l'égalité".

Ces exigences de liberté, de justice et d'égalité ont aboutie à une lutte acharnée pour le contrôle du système politique. La réponse de l'élite à ces demandes a été l'utilisation de la magistrature, des canons de l'armée ainsi que des manifestations royalistes répétées. Le 22 mai 2014, le coup d'État militaire a été l'aboutissement de l'effort déterminé afin de neutraliser les politiciens en dehors de l'élite royaliste et de faire reculer la politique électorale.

- CONCLUSION

S'il se rendait aujourd'hui en Thaïlande, Tocqueville ne trouverait pas "l'égalité générale des conditions" qui caractérisaient les débuts de la démocratie américaine. Il constaterait plutôt l'influence prodigieuse et pernicieuse d'un système social, politique et économique structuré pour maintenir l'inégalité.

Kevin Hewison

Kevin Hewison

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6 mars 2015 5 06 /03 /mars /2015 09:16

Un article de Giles Ji Ungpakorn publié dans le magazine australien "Red Flag"

Lien:

http://redflag.org.au/article/freedom-thailand

 

La lèse-majesté est le crime de violer la majesté, c'est une offense contre la dignité d'un souverain régnant ou contre un Etat. Cela est interdit en Thaïlande depuis 1908.

De 1990 à 2005, la Cour jugeait quatre ou cinq cas par an. Après le coup d'Etat militaire de 2006, qui a été soutenu par la famille royale, le nombre de cas est passé à une moyenne de 80 par an.

La loi n'est pas vraiment faite pour lutter contre les offenses, mais est déployée contre les militants et ceux qui s'interrogent sur le rôle de la famille royale et de l'armée dans la vie politique thaïlandaise. Des militants, des universitaires et des journalistes ont été condamnés ou ont été menacés par l'utilisation de la loi.

Giles Ji Ungpakorn, un universitaire socialiste qui a été contraint à l'exil après la publication de son livre "Un Coup d'Etat pour les Riches" (traduction en français téléchargeable sur le lien suivant: http://fr.scribd.com/doc/243049902/Un-Coup-d-Etat-Pour-Les-Riches) en 2006, fait valoir que la suppression de la lèse-majesté et le fait de se débarrasser de la monarchie et de briser le pouvoir de l'armée sont des conditions préalables pour obtenir une Thaïlande véritablement démocratique.

L'article de Giles Ji Ungpakorn:

Dans le sillage des peines de prison encore plus scandaleuses accordées aux deux jeunes militants pour lèse-majesté, il est important de continuer à dénoncer cette loi et exiger la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques.

Ne faisons pas semblant. L'utilisation de la loi de lèse-majesté en Thaïlande est liée à la puissance et l'influence de l'armée et à l'utilisation de la monarchie par les élites thaïlandaises. Par conséquent la liberté en Thaïlande est conditionnelle à la destruction de la puissance de l'armée ainsi qu'à l'abolition de la monarchie et de la lèse-majesté. Louvoyer avec l'une ou l'autre ne fera rien pour élargir l'espace démocratique.

Les cas de lèse-majesté ne servent qu'à punir les gens qui osent critiquer le puissant établissement et le statu quo. Ils ont peu à voir avec "l'insulte à la monarchie", une expression souvent utilisée par la plupart des médias internationaux.

Il est inutile d'expliquer à la plupart des gens que la loi de lèse-majesté représente une attaque grave contre la liberté d'expression et la liberté académique. L'impact pratique est que la Thaïlande a lutté pendant des années pour atteindre une démocratie pleinement développée, une presse libre et des normes académiques internationalement acceptées dans les universités.

Les prisonniers pour lèse-majesté sont jugés par des tribunaux secrets et privés de liberté sous caution. Les juges royalistes prétendent que l'infraction est "une menace à la sécurité nationale" et "trop grave". Les peines de prison pour lèse-majesté sont draconiennes pour ceux qui n'admettent pas leur "culpabilité".

Aujourd'hui, la junte militaire juge également de tels cas dans les tribunaux militaires. Pendant ce temps, les tueurs de l'Etat comme l'auto-nommé premier ministre général Prayut, et beaucoup d'autres, ne sont jamais punis. La conséquence est qu'il n'y a pas de système de justice qui fonctionne dans ce pays.

Les dictatures thaïlandaises ont toujours utilisé l'excuse comme quoi leurs adversaires cherchaient à "renverser la monarchie" afin de massacrer des manifestants non armés en 1976 et 2010.

La lèse-majesté n'est pas seulement à propos de la censure, la violence et l'intimidation par l'Etat. L'utilisation généralisée de la loi et la promotion maniaque de la monarchie par les militaires, et d'autres, est un feu vert pour des voyous royalistes et d'autres acteurs non étatiques pour commettre des violences ou faire des menaces contre les citoyens. Elle s'applique à tous ceux qui sont simplement accusés de lèse-majesté par n'importe qui, qu'ils soient oui ou non inculpés ou jugés coupable.

Parce que l'armée a toujours eu un problème pour essayer de légitimer ses actions en citant la "démocratie", elle s'est fortement appuyée sur l'aide de la monarchie afin de se trouver une légitimité. Dans le même temps, l'armée devait également promouvoir la monarchie parce que les sentiments royalistes n'ont jamais été automatiques parmi la population thaïlandaise. Ce processus a été lancé dans les années 1960.

Aujourd'hui, les militaires revendiquent toujours qu'ils "protègent la monarchie" et qu'ils "sont les fidèles serviteurs du roi et de la reine". Nous pouvons voir les généraux poser pour des photos et prenant soi-disant leurs ordres de la royauté. Pourtant, ce sont les généraux qui sont vraiment en charge du Palais. Le Palais coopère volontiers à cet arrangement, y gagnant beaucoup de richesse et de prestige.

Si nous voulons comprendre le rôle du roi dans la société thaïlandaise, nous devons comprendre la double action effectuée par l'armée et la monarchie. Pour atteindre l'hégémonie dans la plupart des sociétés modernes, les classes dirigeantes exigent à la fois la coercition et la légitimité.

La monarchie symbolise l'idéologie conservatrice qui donne une légitimité aux actions autoritaires de l'armée et ses alliés. Il s'agit d'un double acte de "pouvoir" et de "légitimité idéologique". Lors de ce double acte, le velléitaire roi Pumibon n'a aucun pouvoir réel. Tout au long de vie gâchée en tant que roi, Pumibon n'a jamais encouragé la démocratie, la paix sociale, l'harmonie ou le bien-être des citoyens thaïlandais. Il a seulement défendu le pouvoir autoritaire et l'inégalité de la richesse brute.

C'est pourquoi nous devons nous débarrasser de la monarchie et anéantir le pouvoir des militaires.

Une manifestante contre le coup d’Etat militaire

Une manifestante contre le coup d’Etat militaire

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4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 14:11

Une conférence organisée par Pavin Chachavalpongpun, mercredi 4 mars 2015 à Londres

Lien:

http://www.lse.ac.uk/SEAC/events/Events/150504-Post-Coup-Thailand.aspx

 

Le 22 mai 2014, l'armée thaïlandaise a renversé le gouvernement élu de la Première ministre Yingluck Shinawatra. Extérieurement, l'armée a justifié son intervention politique par le prétexte classique comme quoi la corruption était la pourriture de la politique thaïlandaise et le coup d'Etat était nécessaire pour purifier le domaine politique. A un niveau plus profond cependant, l'armée est intervenue à un moment où une transition critique dans la vie politique thaïlandaise est à l'horizon: la succession royale imminente. L'orateur soutient que le gouvernement militaire dirigé par le général Prayuth Chan-ocha cherche à accomplir trois missions:

1 - Reconstruire le système électoral qui profitera aux élites traditionnelles.

2 - Eliminer des ennemis politiques grâce au système juridique, en particulier la loi de lèse-majesté et d'autres moyens non juridiques.

3 - Renforcer la position du palais pour s'assurer que la monarchie continuera d'être au centre du pouvoir dans les jours post-Bhumibol.

Il est peu probable que ces missions vont stabiliser la vie politique thaïlandaise, et que les électeurs deviennent aliénés par le processus politique à la Prayuth. De violentes manifestations à grande échelle peuvent être considérée comme inévitables pour restaurer la démocratie.

La conférence aura lieu ce soir à Londres.

Pour y participer, envoyez un mail à seac.admin@lse.ac.uk (il ne reste que quelques heures)

Intervenants: Dr Pavin Chachavalpongpun; Président Dr Kirsten Schulze

Pavin Chachavalpongpun est un professeur agrégé du Centre d'études sur l'Asie du Sud-Est à l'Université de Kyoto.

Pavin Chachavalpongpun

Pavin Chachavalpongpun

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3 mars 2015 2 03 /03 /mars /2015 16:06

A Kingdom in Crisis. Thailand’s Struggle for Democracy in the Twenty-First Century

Andrew MacGregor Marshall

Un article de Xavier Monthéard pour le Monde Diplomatique

Lien:

http://www.monde-diplomatique.fr/2015/02/MONTHEARD/52689

 

En raison des lois de lèse-majesté, il est presque impossible d’évoquer en Thaïlande le rôle que joue la monarchie dans la politique du pays, y compris pour les journalistes et les chercheurs étrangers. Andrew MacGregor Marshall a quitté Bangkok et l’agence Reuters en 2011 pour écrire librement. Résultat, un livre hardi, développant l’idée qu’une bataille de succession secrète explique la crise qui fait rage en Thaïlande depuis 2005 ; les élites traditionnelles mettraient tout en œuvre, jusqu’au soutien actif au régime militaire issu du coup d’Etat de 2014, pour s’opposer à l’accession au trône du prince héritier. La thèse est partiale, mais cet ouvrage fera date par son refus de tout souci apologétique. S’appuyant sur des analyses universitaires jusqu’alors dispersées et fourmillant d’anecdotes, il démonte le mythe d’une royauté bienfaitrice — propagande financée par les prodigieuses richesses de la Couronne — et ne recule devant aucun tabou : fratricide fondateur, manœuvres de la reine, liens avec les forces armées...

Xavier Monthéard

Voir aussi l'excellente critique du livre d'Andrew MacGregor Marshall par l'universitaire thaïlandais en exil Giles Ji Ungpakorn sur le lien suivant:

http://liberez-somyot.over-blog.com/2014/12/critique-du-livre-a-kingdom-in-crisis-d-andrew-macgregor-marshall.html

Un extrait de la critique du livre d'Andrew MacGregor Marshall par Giles Ji Ungpakorn

Un extrait de la critique du livre d'Andrew MacGregor Marshall par Giles Ji Ungpakorn

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2 mars 2015 1 02 /03 /mars /2015 14:39

Un article de Giles Ji Ungpakorn

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https://uglytruththailand.wordpress.com/2015/02/28/puey-ungphakorn/

 

Cela va bientôt être l'année du 100eme anniversaire de la naissance de mon père, Puey Ungpakorn. Malheureusement, la junte militaire thaïlandaise et ses créatures sont occupées à essayer de gagner une fausse légitimité en prenant part à des réunions publiques sur Puey. Cela n'est pas une surprise puisque le mensonge et les doubles standards en Thaïlande ne connaissent pas de limites aujourd'hui. Le général Prayut, leader autoproclamé de la junte, affirme que la Thaïlande ne serait pas une dictature et la bande d'antidémocrates, qui sont occupés à mettre au point une "démocratie guidée", prétendent qu'ils organisent un processus de "réforme politique".

Puey Ungpakorn était diplômé en économie de la London School of Economics. Il a rejoint le mouvement de résistance Free Thai pendant la Seconde Guerre mondiale et a été capturé en Thaïlande. Il a étudié en Grande-Bretagne grâce à une bourse du gouvernement thaïlandais et a donc repris son travail dans la fonction publique thaïlandaise. Finalement, il est devenu gouverneur de la Banque de Thaïlande. Les vues économiques de Puey étaient plus ou moins grandes. Il a travaillé avec la Banque mondiale et le FMI. Mais, à cette époque, la tendance dominante de l'économie était plus basée sur une "économie mixte" plutôt que sur l'idéologie du marché libre. Puey était aussi un partisan de l'État providence et il a écrit un court article à ce sujet. Il était en faveur de l'imposition progressive des riches afin de financer un tel État-providence. Ses idées étaient semblables à celles de Pridi Panomyong, le leader du Parti du Peuple qui avait organisé la révolution de 1932 contre la monarchie absolue. Pridi était plus âgé et il était le mentor de mon père.

Bien sûr, les élites conservatrices se sont opposés à ses idées et Pridi a été contraint à l'exil par l'armée et les royalistes. Il est mort en France. Beaucoup plus tard, Puey a également été contraint à l'exil après le massacre du 6 octobre 1976 à l'Université Thammasart. Puey a été chassé de Thaïlande par les militaires et l'extrême droite qui l'accusaient de vouloir abolir la monarchie. Ils l'ont également accusé d'être communiste, alors qu'il ne l'était pas. Un an plus tard, Puey a subi un accident vasculaire cérébral grave et n'a jamais plus rien dit ni écrit. Il a vécu à Londres jusqu'à sa mort, même si, contrairement à Pridi, il a pu se rendre à nouveau en Thaïlande lors d'un certain nombre d'occasions.

Au moment du massacre du 6 octobre, Puey ne travaillait plus à la Banque de Thaïlande. Il était devenu recteur de l'Université Thammasart et avait décidé de consacrer plus de temps à l'enseignement et à la constitution d'une équipe de bénévoles diplômés pour le développement rural.

Il existe un mythe perpétué par les partisans de l'armée comme quoi Puey aurait "compris" la nécessité pour les militaires de mettre en scène des coups d'Etat contre les gouvernements élus de Yingluk et de Taksin. Parmi ceux qui perpétuent ce mythe, il y a le scientifique Yongyut Yuttawong, qui est un ministre du gouvernement de la junte. Yongyut a également servi la junte militaire de 2006. C'est aussi mon cousin. Ce qui est assez consternant, c'est que Yongyut a affirmé parler en tant que représentant des idées de Puey lors de multiples occasions publiques.

Mon père était un fervent partisan de la démocratie. Il a écrit et s'est prononcé contre le massacre du 6 octobre 1976. Il a également critiqué ouvertement les dictatures militaires de Sarit et de Tanom, en particulier sur la question de la corruption et de l'autoritarisme. La croyance de Puey en la démocratie et l'opposition au régime militaire signifiait qu'il considérait le roi Pumibon avec mépris parce que ce dernier ne s'était jamais opposé à l'armée et s'est laissé utiliser par les diverses dictatures. Dans notre maison à Soi Aree, où je suis né et ai grandi, il n'y a jamais eu de photo du roi ni même d'image de Bouddha. Lors des anniversaires du roi et de la reine, jamais des drapeaux ou bougies n'ont été apposées à l'avant de la maison. Puey n'était pas nécessairement un républicain. Il était tout simplement indifférent à la monarchie.

Au campus Rungsit de l'Université Thammasart, il y a une statue grotesque de Puey. Un ami socialiste malaisien m'a dit qu'elle ressemblait à une statue du président Mao. Elle est grotesque car en Thaïlande, les statues de personnes sont déifiées. Elle est également grotesque parce que le recteur de l'Université Thammasrt, une créature des deux juntes militaires, vient de limoger Ajarn Somsak Jeamteerasakun parce que ce dernier est parti en exil forcé. Somsak risque de perdre sa pension à cause de cela.

Puey Ungpakorn
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27 février 2015 5 27 /02 /février /2015 01:38

Un article de Giles Ji Ungpakorn

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https://uglytruththailand.wordpress.com/2015/02/21/thailands-constitutions/

 

Depuis 1932, la Thaïlande s'est offert 18 constitutions "jetables", la plupart d'entre elles ayant ensuite été déchirées par l'armée suite à un coup d'Etat. Mais il serait faux de penser que ce traitement des constitutions pourrait être la cause originelle de l'instabilité politique ou de tout déficit démocratique. Les constitutions à travers le monde peuvent servir de guides sommaires pour la pratique politique; elles peuvent agir comme un ensemble de règles imposées par l'élite dirigeante, ou mettre au point des normes idéales pour les droits civiques que les militants s'efforcent d'atteindre. Ce qui importe vraiment en Thaïlande, ainsi qu’ailleurs, c’est l'équilibre des forces entre les élites dirigeantes et la population en général.

Le Royaume-Uni a une constitution en constante évolution basée sur la lutte contre la classe dirigeante et aussi sur "la coutume et la pratique". Dans ce pays, les droits démocratiques n'ont pas été atteints par la rédaction d'une "constitution démocratique", mais par la lutte constante du peuple contre les intérêts bien établis de la classe dirigeante, couvrant une période allant de la révolte des paysans en 1381 et continuant de la révolution anglaise de 1640 au mouvement chartiste du milieu du XIXème siècle et même au-delà.

La constitution écrite des États-Unis a été conçu par les élites afin de protéger leurs privilèges. Il s'agissait d'un compromis entre les propriétaires d'esclaves dans le Sud et les capitalistes industriels du Nord. Même quand une série d'amendements, connu comme la Déclaration des Droits, ont été adoptés, les droits civils des citoyens ont été constamment ignorées et cela bien des années avant que diverses luttes venues d'en bas aient apportées aux hommes et femmes de toutes races une égalité constitutionnelle formelle. Bien sûr, l'égalité formelle conformément à la loi n'est pas une garantie de l'égalité dans la pratique ni même de démocratie participative. Ni l'une ni l'autre n'existent aux Etats-Unis. Pareil en Thaïlande.

Diverses constitutions thaïlandaises ont également reflété les luttes contre les élites dirigeantes. Les constitutions les plus démocratiques ont été écrites après la révolution de 1932 contre la monarchie et après le soulèvement de 1992 contre la dictature militaire. Cependant, dans l'ensemble, les constitutions thaïlandaises sont généralement un ensemble de règles imposées par les élites dirigeantes et la presque totalité d'entre elles, à l'exception de la première constitution post-1932, reflètent l'utilisation de la monarchie afin de donner une légitimité à la puissance de l'armée pour son intervention dans la politique. Pourtant, le rôle de l'armée dans la vie politique n'a jamais été mentionné explicitement.

La première partie de ces constitutions élitistes indique également que la Thaïlande est un "État unitaire et indivisible", ce qui est un obstacle à la réalisation de la paix dans le conflit du sud. Aussi bien la domination de la politique par les militaires que le concept ultra-nationaliste de "l'État unitaire indivisible" ont toutes deux été vigoureusement contesté par les mouvements sociaux et politiques.

La constitution écrite par les militaires en 2007, un an après le coup d'Etat qui a renversé le gouvernement élu de Taksin Shinawat, est allé plus loin dans la consolidation du rôle de l'armée. Elle absout les putschistes de tout acte répréhensible et a autorisé le pouvoir judiciaire à intervenir contre des gouvernements élus. Le pouvoir judiciaire est depuis longtemps un allié conservateur de l'armée.

Toutefois, selon l'universitaire progressif Niti Eauwsiwong, il y a un point qui est aussi intéressant, c'est que les Thaïlandais ordinaires ont une "constitution populaire" non écrite dans leurs esprits, où ils ont des vues claires sur comment la politique devraient être menée, quels que soient les constitutions élitiste formelles. Nous pourrions l'appeler "culture politique" et nous devons être conscients qu'il y a bien plus qu'une unique culture politique dans toute société.

La lutte des mouvements sociaux et des groupes politiques d'opposition est beaucoup plus importante que les constitutions pour la détermination de l'état de la liberté et de la démocratie. Une étude de l'histoire thaïlandaise révèle la présence d'une culture politique associée à la lutte pour la démocratie, la liberté et la justice. Les points forts de ces luttes comprennent la révolution de 1932, les soulèvements contre l'armée de 1973 et 1992, la rébellion du Parti communiste de Thaïlande (PCT), la révolte des musulmans malais du sud, et les luttes récentes des Chemises rouges contre le gouvernement soutenu par les militaires entre 2008 et 2011.

Aujourd'hui, les serviteurs universitaires et politiques des militaires sont en train d'écrire une autre constitution. Ce n'est pas un secret qu'il s'agira probablement de l'une des pires que la Thaïlande n’ait jamais eu. Elle va encore consacrer le pouvoir autoritaire de l'armée ainsi que des élites conservatrices et sévèrement limiter toute liberté pour élire un gouvernement démocratique. Il y aura des phrases vides de sens sur les droits des femmes et la liberté de la presse, mais cela ne sera simplement qu'un saupoudrage de sucre glace sur un gâteau empoisonné. Pourtant, cela n'empêche pas de nombreuses ONG écervelées de faire des suggestions sur la façon dont les différents droits pourraient être améliorés dans ce morceau de papier-cul politique.

Les constitutions de la Thaïlande
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17 février 2015 2 17 /02 /février /2015 13:40

Un article de Thai Political Prisoners

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https://thaipoliticalprisoners.wordpress.com/2015/02/08/surveillance-state/

Le dictateur semble déterminé à établir un état de surveillance total. Cet état est généralement défini comme un état qui utilise des bases juridiques visant à surveiller les tous les citoyens et leurs actions. Le dictateur, le général Prayuth Chan-ocha, utilise ces moyens et cherche à renforcer cette justice aveugle.

Prachatai rapporte que le chef de la junte militaire "a exhorté les gens à signaler les cas lèse-majesté et a averti qu'il utilisera des mesures légales contre la lèse-majesté et la dissidence politique anti-junte." Pour la dictature, la "légalité" est un concept vaguement défini. Il a conseillé aux Thaïlandais "de garder un œil sur les personnes affichant du contenu de lèse-majesté sur les médias sociaux ...".

Tout en affirmant que la junte n'a pas l'intention de supprimer la liberté du peuple, la législation de la junte fait exactement le contraire. On ne peut que le constater lorsque Prayuth exige qu'il n'y ait pas d'activisme anti-coup d'Etat ni aucun commentaire contre la monarchie. Il affirme que cela "ne pourra pas être toléré et [que les contrevenants] feront face à des mesures juridiques."

Prayuth exhorte à la surveillance de tout le monde. L'état de surveillance fasciste est profondément ancré.

La Thaïlande sous totale surveillance
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14 février 2015 6 14 /02 /février /2015 12:03

Un article de Giles Ji Ungpakorn

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https://uglytruththailand.wordpress.com/2015/02/11/unfortunately-taksin-is-a-royalist/

 

La police thaïlandaise a arrêté un homme qu'elle prétend être "Banpot", le célèbre alias Internet, qui publiait régulièrement des clips audio critiquant la famille royale thaïlandaise. Le suspect a été identifié comme étant Hasadin Uraipraiwan. Plus tôt, la chaine de télévision d'un média extrémiste a tenté d'affirmer à tort que "Banpot" était le professeur universitaire de Chiang-Mai, Tanet Charoenmuang.

La junte cherche désespérément à relier Banpot avec Taksin et les militaires parlent d'un "grand capitaliste" qui financerait ces activités. Ce ne est pas la première fois que les antidémocrates et les militaires ont essayé d'accuser Taksin de vouloir renverser la monarchie. Ils pensent que cela aiderait à légitimer leur destruction de la démocratie.

Mais rien ne peut être plus éloigné de la vérité. Malheureusement, Taksin est un royaliste.

Taksin a souvent été accusé de vouloir usurper la monarchie et de devenir président. Il n'y a absolument aucune preuve de cela. En fait, tout au long de la période où Taksin était Premier ministre, il a promu le Roi et a été considéré comme lui étant servile, tout comme les généraux conservateurs qui sont ses rivaux. En 2006, son gouvernement a ouvert la voie et a participé aux célébrations royales somptueuses pour le 60eme anniversaire de l'accession du roi au trône. C'est également lui qui a lancé la "Chemise jaune Mania", où nous étions tous censé porter des chemises jaunes royales tous les lundis. Aussi bien Taksin que ses opposants conservateurs sont royalistes parce qu'ils cherchent tous deux à utiliser l'institution de la monarchie afin de stabiliser le statu quo et la domination de classe dans une société capitaliste.

Après l'élection de juillet 2011, nous avons vu le gouvernement Pua Thai de la Première ministre Yingluck préciser qu'il était royaliste. Si nous observons l'utilisation de la lèse-majesté, le dossier du gouvernement Pua Thai sur les abus de la liberté d'expression était tout aussi mauvais que celui du Parti Démocrate d'Abhisit soutenu par l'armée. Le ministre des Technologies de l'Information et de la Communication de l'époque Anudit Nakorntup, s'est montré être un censeur royaliste enragé, menaçant les utilisateurs de Facebook qui cliquaient "like" sur les posts considérés comme insultant pour la monarchie. Pire encore, le vice-Premier ministre Chalerm Yubamrung a été nommé "lèse-majesté supremo" afin de traquer les dissidents.

La raison pour laquelle Taksin ne mènera pas une lutte tous azimuts pour la démocratie contre la dictature est lié à ses convictions royalistes, ou, plus important encore, à son engagement pour la défense du statu quo et de la classe dirigeante thaïlandaise dans sa forme actuelle. Lui et les généraux ne sont des rivaux qu'uniquement pour le pouvoir. Taksin veut réintégrer le club de l'élite un jour ou l'autre dans l'avenir. Il cherche désespérément à prévenir la radicalisation du mouvement pour la démocratie. Mais nous devons tout faire afin d'encourager une telle radicalisation et la lutte pour une république démocratique.

Taksin Shinawat

Taksin Shinawat

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 13:06

Un article de Thai Political Prisoners

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https://thaipoliticalprisoners.wordpress.com/2015/02/09/hunting-dissidents/

 

Prachatai rapporte que le ministre de "la justice" de la junte militaire intensifie la chasse aux dissidents politiques qui ont fui le pays, en utilisant la loi de lèse-majesté contre eux.

Le général Paiboon Khumchaya, qui sert aussi de ministre de "la justice", a déclaré que "le comité qui a été désignée pour traquer les suspects de lèse-majesté soumettra une liste de 40 d'entre eux en exil au ministère des Affaires étrangères afin que ce dernier puisse coopérer avec d'autres pays.

PPT soupçonne que ces 40 suspects de lèse-majesté ont fui la dictature militaire, mais qu'ils ont été identifiés comme des dissidents anti-monarchie.

Malgré le fait que presque aucun pays moderne ne possède ou n'utilise la loi de lèse-majesté, l'affirmation selon laquelle "le comité et le ministère des Affaires étrangères vont compiler des informations et clarifier avec les pays d'accueil la question de l'extradition de ces suspects," semble avoir été faite pour la propagande intérieure destinée aux monarchistes.

Une déclaration intéressante dans le rapport, que nous soulignons ici, est celle-ci:

La période écoulée depuis le coup d'Etat de 2014 a vu le plus grand nombre de gens emprisonné pour lèse-majesté de toute l'histoire thaïlandaise ....

La Thaïlande est entre les mains d'un groupe de chefs militaires bizarres qui semblent ignorer le reste du monde et qui sont indifférents au fait qu'ils poussent le pays dans une impasse politique.

Le général Paiboon Khumchaya

Le général Paiboon Khumchaya

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9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 15:21

En juin 1979, des dizaines de milliers de réfugiés cambodgiens sont repoussé de force dans les champs de mines par les soldats thaïlandais. Peu d'entre eux survivront.

Contexte:

En 1979, le régime khmer rouge s’effondre après l’invasion du Cambodge par le Vietnam. Fuyant la guerre, des dizaines de milliers de Khmers entrent en Thaïlande. Le royaume les repousse, provoquant un exode dramatique.

Le chef de l’armée thaïlandaise de l’époque s’appelait Prem Tinsulanonda… C’est le même homme qui est responsable du massacre des Chemises rouges en mai 2010.

 

Un article de Patrick Sabatier paru dans le journal Libération daté du 9 juillet 1979:

Cambodge-Thaïlande : carnage à la frontière

Lien:

http://www.liberation.fr/monde/2011/07/09/cambodge-thailande-carnage-a-la-frontiere_748156

 

Ne cherchez pas Dong Thuan sur la carte de Thaïlande: cet éperon rocheux qui perce les nuages gris et lourds de la mousson, aux confins de la Thaïlande et du Cambodge, pourrait tout aussi bien être une de ces planètes anonymes et invisibles à l’œil nu qui gravitent aux confins de la galaxie. Planète peuplée de morts-vivants. C’est là, en effet, que s’accroche à la vie un groupe de 900 survivants parmi les 40 000 réfugiés khmers refoulés par la Thaïlande, du 8 au 13 juin, à Preah Vihear. Thong-Kim San est l’un d’eux. Il est arrivé à Bangkok le 4 juillet et il s’y terre. Evadé de l’enfer, il a peur d’y être renvoyé. Il a une liste de 932 noms et il veut que «l’ONU fasse quelque chose… Qu’on aille les chercher, vite…» Alors il raconte, pour la première fois, ce qu’ont été les convois de la mort de Preah Vihear.

Dans la chambre minuscule, toutes fenêtres fermées, on est vite en sueur. Dehors, la nuit de Bangkok s’est fardée de néons tapageurs et le rugissement des moteurs sur les grandes avenues colle à la peau avec l’air moite et sale. Thong parle en khmer, d’une voix sourde, avec des gestes exagérés de ses grands bras maigres qui tremblent doucement. Il est sino-khmer, né au Cambodge. Il vivait depuis quarante ans à Battambang où il était ouvrier. Ce soir, nous ne parlerons pas des Khmers rouges ; dès leur repli devant l’avance des blindés vietnamiens, Thong a rassemblé les huit membres survivants de sa famille et a fui vers la Thaïlande toute proche. En mai, ils étaient au camp de Wat Kok, pleins d’espoir. «J’ai de la famille en France, nous étions sûrs d’être pris par les Français…» Mais le 12 juin, quand des membres de l’ambassade de France viennent lire la liste de noms acceptés par la France, Thong n’entend pas le sien. Silence en forme de condamnation à mort, car les réfugiés savent que, depuis le 7 juin, l’armée thaïlandaise a reçu l’ordre de vider les camps et d’en renvoyer les occupants au Cambodge. A Wat Kok, les diplomates français et américains, les larmes aux yeux, n’ont pu retenir que 1 500 des 4 500 réfugiés, sans avoir pu intervenir dans les autres camps.

«Le 13, à 4 heures du matin, raconte Thong, les soldats thaïs nous ont rassemblés et nous ont ordonné de monter dans des cars qui venaient d’arriver. Nous nous sommes accrochés les uns aux autres. Nous ne voulions pas y monter. Ils se sont jetés sur nous et nous ont frappés à coups de crosse…» Il faut l’intervention d’un responsable civil thaïlandais, qui assure aux réfugiés qu’ils ne seront pas expulsés, pour qu’ils acceptent finalement de monter dans les cars. «Nous croyions qu’on nous amenait finalement à Buriram et que, là-bas, nous pourrions vivre dans de meilleures conditions…» : 27 bus bondés, soit environ 2 000 personnes au total, partent ainsi le 13 au matin en direction du nord-est de la province de Sisaket.

A 8 heures du soir, les cars déversent leur troupeau apeuré et implorant sur la frontière qui court le long de la crête des monts Dangrêk. Là se dresse le temple de Preah Vihear, mentionné par les guides touristiques pour sa beauté. «Il n’y avait pas de soldats à cet endroit, mais un groupe de 40 à 50 hommes jeunes, certains aux cheveux longs, habillés en civil et armés de fusils et de mitraillettes. Ils se sont jetés sur nous, nous ont battus très violemment et nous ont pris tout ce qu’ils trouvaient comme argent, bijoux, objets de valeur et même vêtements… Puis ils nous ont poussés de l’autre côté de la frontière. Il faisait encore jour. A cet endroit, la pente est si abrupte qu’il était impossible de descendre sans trouver des prises ou des points d’appui ; c’est là que beaucoup se sont blessés - et tués -, surtout des vieux ou des enfants en roulant au bas de la pente, sur une centaine de mètres. Il y avait déjà là des cadavres qui sentaient très mauvais…»

Le convoi de Thong était en effet le dernier de plusieurs convois de la mort venus de divers camps de réfugiés. Il semble que tous n’aient pas été refoulés au même endroit. Mais d’autres étaient déjà passés par le chemin emprunté par le groupe de Thong. «Nous nous sommes arrêtés cent mètres plus bas, sur une espèce de corniche. Plus loin, en dessous de nous, dans une sorte de cuvette, c’était effroyable : il y avait des milliers et des milliers de gens, ceux des convois précédents, qui gémissaient, appelaient à l’aide et n’osaient pas bouger. J’ai retrouvé un copain, qui m’a raconté ce qui s’était passé pour les premiers arrivés: ils avaient sauté sur des champs de mines qui marquaient la frontière du côté cambodgien. Ils ne pouvaient pas avancer, ils n’avaient pas d’eau et il y avait beaucoup de blessés. Alors ils ont tenté de remonter vers la frontière thaïlandaise ; les cheveux longs les ont laissés approcher, puis ils ont tiré dans le tas, il y avait des centaines de personnes, ça a été un massacre.»

Pendant une semaine, Thong et ses sept parents ont donc vécu accrochés sur la corniche. «Puis nous avons décidé de partir…» Seule voie ouverte : le flanc de la montagne entre les deux mors de la tenaille. «Nous avons été obligés d’abandonner les blessés et les vieillards.» La longue colonne des damnés ne progresse que de quelques kilomètres par jour. «Nous n’avions aucune idée d’où nous étions, ni où nous allions.» Thong était revenu en fait en Thaïlande. Sans le savoir. […] «C’est en allant faire des courses dans un des villages que j’ai rencontré des Khmero-Thaïs; je les ai suppliés de m’aider; ils ont accepté contre la promesse d’une forte somme d’argent. Ce sont eux qui m’ont amené jusqu’à Sisaket en faisant des détours à travers la jungle. Puis ils m’ont mis dans le train pour Bangkok; dès mon arrivée, je suis allé me cacher chez un ami d’où j’ai fait parvenir aux ambassades occidentales cette liste de noms…» Ces noms ce sont ceux des 932 rescapés des Dangrêk. Parmi eux, les sept membres de la famille de Thong.

A propos de l'histoire des crimes de l'armée thaïlandaise, voir aussi sur Libérez-Somyot:

La torréfaction de gens vivants par l'armée thaïlandaise, le massacre des barils rouges de Phattalung durant les années 1970:

http://liberez-somyot.over-blog.com/2014/06/les-barils-rouges-de-phattalung.html

Le massacre de l'université Thammasat du 6 octobre 1976:

http://liberez-somyot.over-blog.com/2014/10/bangkok-il-y-a-38-ans-le-massacre-de-l-universite-thammasat-du-6-octobre-1976.html

"Black May" le massacre de mai 1992 à Bangkok:

http://liberez-somyot.over-blog.com/article-il-y-a-21-ans-black-may-le-massacre-de-mai-1992-a-bangkok-117808798.html

Un champ de mines au Cambodge

Un champ de mines au Cambodge

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