Traduction partielle d'un article de Pavin Chachavalpongpun (certains passages pouvant briser la loi 112 n'ont pas été traduits et ont été remplacés par le pointillé suivant: [...])
Lien de l'article original en anglais:
L'armée thaïlandaise a affirmé que le coup d'Etat qu'elle a organisé le 22 mai était nécessaire pour rétablir la paix et l'ordre dans le pays. En réalité, l'intervention militaire n'a restauré ni la paix ni l'ordre. Au lieu de cela, ce qui remplace l'incertitude politique est un climat de peur.
L'organe directeur de la junte, le Conseil National pour la Paix et l'Ordre, a commis des violations flagrantes des droits de l'homme. Il a publié une série de commandes, en convoquant des centaines de personnes provenant de divers milieux, y compris ceux proches du gouvernement déchu de la Premiere ministre Yingluck Shinawatra, et ceux qui critiquent les putschistes.
Des politiciens, des militants politiques, des personnalités des médias ainsi que des membres d'organisations de la société civile ont été citées à comparaître devant les autorités, sans raison apparente. Ils peuvent être détenus pendant sept jours. Certains ont été libérés et certains ont été accusés de divers méfaits. Ils devaient tous passer par le tribunal militaire sans avocats pour les représenter.
Pour la première fois depuis longtemps, des universitaires ont eux-aussi été convoqués par la junte. Des critiques connus du gouvernement ou de la politique ont été harcelés et détenus. Les personnes libérées ont été contraintes de signer un contrat affirmant qu'elles ne participeraient pas à des activités politiques ni ne diffuseraient à nouveau leurs opinions politiques. Certains universitaires ont quitté la Thaïlande par peur d'être emprisonnés.
Mon nom est sur la liste des personnes recherchées par la junte. Depuis le coup d'Etat, j'ai critiqué l'armée. J'ai rejeté la légitimité du coup d'Etat et ai refusé de me déclarer à l'armée. Je ne vais pas obéir à des despotes. Par conséquent, le 13 Juin, un mandat d'arrêt a été émis contre moi. Je suis maintenant officiellement un fugitif.
L'argument selon lequel l'armée a l'intention de transformer la vie politique thaïlandaise en quelque chose de plus démocratique est absurde. En effet, la junte n'a pas de plan pour rendre de sitôt le pouvoir au peuple thaïlandais. La tenue d'une élection n'est pas une priorité pour la junte. Rester au pouvoir afin de superviser la succession royale est l'objectif ultime de l'armée.
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L'ennemi de l'armée a longtemps été l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, frère de la Première ministre récemment renversée Yingluck Shinawatra. Si les Shinawatra réussissent encore à dominer la politique électorale, l'armée craint qu'elle ne puisse perdre sa fortune et ses avantages.
Par conséquent, le but de ce coup n'est pas seulement à propos de la succession royale imminente, mais aussi d'éliminer les éléments pro-Thaksin, une fois pour toutes.
L'élimination a commencé par des assignations de hauts dirigeants du Parti Pua Thai de Thaksin à se présenter devant la junte. Comme la plupart ont refusé de se rendre, des mandats d'arrêt ont été émis contre eux, leur garantissant ainsi une peine d'emprisonnement de deux ans au moins.
L'armée a également ciblé les partisans de la famille Shinawatra dans le mouvement chemise rouge. La répression des réseaux chemises rouges est en cours, mais ceci n'est pas rapporté dans les médias traditionnels.
Il est rapporté que l'armée a envoyé ses troupes dans les régions lointaines du Nord et du Nord-est, connus pour être des bastions pro-Thaksin, afin d'harceler et de détenir les membres connus du mouvement chemise rouge. Certains ont été enlevés et certains ont disparu.
Une guerre psychologique est menée contre les Chemises rouges. Les villages chemises rouges, mis en place à la suite du dernier coup d'Etat de 2006, ont été contraints d'arrêter leurs activités politiques et de brûler leurs drapeaux rouges. Presque du jour au lendemain, la couleur rouge est devenue absente de ces villages anti-coup d'Etat.
Un des outils les plus puissants pour porter atteinte aux opposants politiques est la loi de lèse-majesté, qui stipule que toute personne qui commet des actes diffamatoires ou insultants contre le Roi, la Reine ou l'Héritier, peut être condamné de trois à 15 ans de prison.
Dans cette situation précaire où la seule justice est la cour martiale, les cas de lèse-majesté conduisent surement à une longue peine de prison.
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L'utilisation de la loi de lèse-majesté pour faire taire les critiques est pratique. Pourtant, elle peut aussi être dangereux, non seulement pour la situation des droits humains en Thaïlande, mais aussi pour la position de la monarchie elle-même.
Certains hyper-royalistes thaïlandais vivant au Royaume-Uni ont déjà entrepris d'harceler une Thaïlandaise de nationalité britannique qui s'est donné le surnom de "Rose" et qui a brisé le tabou de critiquer la famille royale thaïlandaise.
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Rose a récemment été harcelée par deux Thaïlandais. Une femme royaliste s'est rendue à sa maison avec une douzaine d'œufs, dans l'espoir de les jeter sur Rose. Mais elle ne savait pas que Rose a depuis longtemps quitté son domicile dans l'ouest de Londres.
Dans un autre cas, un homme, Thaïlandais lui-aussi, portant un faux pistolet s'est également rendu à son ancienne maison et a vandalisé la propriété en peignant un drapeau thaïlandais sur la porte. Ces deux cas montrent de quoi les hyper-royalistes thaïlandais sont capables.
Le coup d'Etat de 2014 a intensifié le degré d'hyper-royalisme. Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Thaïlande, l'armée a cherché à politiser la monarchie afin de légitimer son existence. J'ai la chance de vivre au Japon, où mes droits fondamentaux sont protégés. D'autres Thaïlandais n'ont pas cette chance, et leurs droits sont limités par la politique musclée de la junte thaïlandaise.
Pavin Chachavalpongpun est professeur agrégé au Centre d'études pour l'Asie du Sud-est de l'Université de Kyoto.