Un article de Numnual Yapparat & Giles Ji Unpakorn
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http://uglytruththailand.wordpress.com/2014/05/28/this-is-an-aggressive-and-arrogant-coup/
Le général Prayut Chan-ocha cherche à exercer son pouvoir de façon agressive. Il a refusé avec arrogance de répondre à deux questions fondamentales des journalistes quant à savoir s'il serait le prochain Premier ministre et quand les élections auraient lieu. En réponse à la première question, il s'est mis en colère et a pointé son doigt vers le journaliste en demandant "Voulez-vous être PM alors?" En réponse à la question sur la prochaine échéance électorale, il a crié "Il n'y a aucune période de temps", puis a claqué la porte de la conférence de presse. Il manque clairement de compétences en communication. Le lendemain, l'armée a convoqué les journalistes pour leur donner une leçon sur la façon de poser une question de manière appropriée à Son Excellence le généralissime.
La junte a fait savoir quelle sorte de punition les journalistes devront faire face s'ils ne respectent pas le régime du Nouvel Ordre.
Le 27 mai dernier, les soldats ont été assez stupides pour arrêter l'ex- ministre de l'Éducation, Chaturon Chaisaeng, alors qu'il donnait une conférence de presse devant des centaines de journalistes au Club des Correspondants Etrangers de Thaïlande. Il est maintenant en prison et doit faire face à un tribunal militaire. Tous ceux qui ont été arrêtés devront également faire face à des tribunaux militaires s'ils sont inculpés.
Des militants pro-démocratie, des universitaires progressistes, des leaders des Chemises rouges et des étudiants ont été informés qu’ils devraient se livrer à la junte militaire dans les clubs de l'armée. Beaucoup ont été immédiatement arrêtés et envoyés dans des camps militaires. Certains d'entre eux ont refusé d'y aller et sont maintenant dans la clandestinité.
Non seulement l'armée a arrêté des gens honnêtes qui croient en la liberté et la démocratie, mais aussi leurs parents et enfants. Des gens comme la femme de Somyot et son fils ont été temporairement arrêtés après que les troupes aient pénétré de force dans leurs maisons. Le frère de l'infirmière qui a été abattu par des snipers de l'armée en 2010 a également été arrêté puis libéré plus tard. Les activités politiques sont interdites dans les universités. Des étudiants sont arrêtés pour avoir protesté contre le coup d'Etat. Les soldats ont pénétré dans les maisons des dirigeants chemises rouges dans le Nord et le Nord-est et leur ont ordonné sous la menace de ne pas mobiliser les gens contre le coup d'Etat.
Lors d’un contraste marquant, les membres du gang de Sutep, qui portaient des armes et utilisaient la violence dans les rues pour saboter les élections de février ont tous été libérés. L'armée tente d'arrêter toute personne qui a le potentiel de mener une rébellion contre elle.
Le généralissime Prayut, le Grand Leader, a donné un ordre de déployer des banderoles dans plusieurs provinces se "remerciant" lui-même pour avoir aidé les agriculteurs. En fait, il cherche à profiter du programme de subvention du riz mené par le gouvernement précédent. Il veut désespérément donner l'impression qu'il est un leader fort qui peut "sauver" la Thaïlande de la crise. Mais lui et ses collègues anti-démocrates sont à l'origine de la crise actuelle.
Le généralissime Prayut veut montrer qu'il est un homme dur. Lui et sa junte ont publiés un grand nombre de décrets, couvrant presque tous les aspects de la vie. Un récent décret est d'interdire tous les jeux. Gageons que cela ne fonctionnera pas.
Il essaie de fléchir ses muscles et de réclamer que lui, le Grand Leader, peut beaucoup mieux faire que tout autre gouvernement civil élu pour régler les problèmes de l'ensemble du pays. Pour tenter de stimuler l'économie, il veut reprendre à son compte les grands projets d'infrastructure que le Parti Pua Thai avait essayé de mettre en place. Bien sûr, ceux qui hurlaient le plus fort contre les projets du Parti Pua Thai, y compris les juges de la Cour constitutionnelle, sont maintenant étrangement silencieux. Prayut a placé les militaires et ses copains anti-démocrates dans des positions de pouvoir. Des créatures de la junte de 2006, comme Pridiyatorn, ont rampé pour réclamer le droit d'aider le régime actuel dans son sale boulot.
Le comportement du Généralissime Prayut nous rappelle l'ancien temps du maréchal dictateur Sarit Tanarat, l'un des premiers ministres les plus brutaux et corrompus de l'histoire thaïlandaise. Sarit était au pouvoir de 1958 à 1963. Il est mort d'une cirrhose du foie et avait des centaines de femmes. Après sa mort, un comité a été mis en place pour récupérer les millions qu'il avait volés à la nation. Tout au long de son temps comme dictateur, il a publié de nombreux décrets stupides, mais surtout il a ordonné l'exécution sommaire et sans procès de gangsters et trafiquants de drogue qui empiétaient sur ses propres intérêts. Certaines de ces personnes ont été exécutées en public. Des socialistes et des communistes ont également été massacrés.
Mais la Thaïlande des années 1950 et 60 n'est pas la même que la Thaïlande d'aujourd'hui. En 1954, 88 % de la population active était impliquée dans l'agriculture. En 2002 au début du gouvernement Thai Rak Thai, ce chiffre était tombé à 37 %, les autres 63 % dépendaient de l'industrie et des services. Et même la plupart des gens classés comme travaillant dans l'agriculture sont en fait impliqués dans la "multiplicité du travail", un "mélange d’emplois agricoles" avec des "emplois non agricoles". La majorité des Thaïlandais font maintenant partie de la classe ouvrière urbaine.
En 1960, pas plus de 20 % de la population n'avait atteint les plus faibles qualifications de l'enseignement secondaire. En 1999, le Ministère de l'éducation a indiqué que 84 % de tous les jeunes de 12-14 ans avaient été à l'école secondaire. Les gens n'ont pas besoin d'avoir été éduqués à l'école ou au collège pour comprendre la démocratie, les droits humains ou la justice sociale, contrairement à ce que la plupart des élites conservatrices affirment, mais l'éducation peut augmenter la confiance en soi afin de s'organiser, de se lever et de se battre. La prolifération de l'enseignement secondaire en Thaïlande peut aider à expliquer en partie pourquoi le mouvement chemise rouge est devenu le plus grand mouvement social de l'histoire thaïlandaise. L'éducation et les compétences de base en informatique sont également utiles pour que les Chemises rouges, dans un climat de grave censure de la part du gouvernement de la junte, puissent accéder à des sites Web de même qu'aux blogs et à la radio diffusée sur Internet, ainsi que pour communiquer les uns avec les autres via e-mail, Facebook et Skype.
Le généralissime Prayut peut rêver qu'il est le chef suprême. Il peut rêver de transformer la Thaïlande en un état policier du Nouvel Ordre. Mais ses rêves commencent à s'effondrer. Tout au long des premiers jours de l'après coup d'Etat, il y a eu des manifestations anti-militaires spontanées faites par des centaines de personnes à Bangkok et dans d'autres villes. Certaines de ces manifestations ont mobilisée quelques milliers de personnes. Les soldats ont souvent été réprimandés par les femmes d'âge moyen. Plus d'une fois, des soldats ont été forcés de battre en retraite face à la foule en colère. La majorité des 70 millions de la population de Thaïlande est totalement opposée à la junte et elle l'a montré lors des dernières élections.
Le 28 mai 2014, la junte a testé sa capacité à bloquer Facebook ainsi que d'autres réseaux sociaux, mais ils n'ont pas pu le faire longtemps car cela a rendu les Thaïlandais furieux. Ils ne peuvent pas bloquer l'internet dans son ensemble sinon ils détruiraient l'économie. La seule chose qu'ils peuvent faire est de bloquer certains sites web, y compris celui de Midnight University ainsi que des centaines d'autres sites. Ils peuvent également tenter de fermer Facebook lors de moments stratégiques s'ils pensent que le media social est utilisé pour organiser certaines actions politiques.
Les militants pro-démocraties s'organisent pour protester à nouveau le 1er Juin 2014 à Ratchapasong et des gens continuent de retourner se recueillir au Monument de la Victoire.
Il faut faire preuve d'un immense courage pour défier une junte militaire et se tenir debout devant des soldats armés. En 2010, le général Prayut avait ordonné le massacre de près de 90 manifestants chemises rouges qui réclamaient des élections démocratiques après un coup d'Etat judiciaire. L'espoir est que ce mouvement se développera jusqu'à atteindre une classe ouvrière organisée. Mais cela prendra du temps. Cela pourrait bien être un cas de "deux pas en avant, un pas en arrière". La junte ne pourra pas être renversée en une nuit.