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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 14:45

Un article de Peter Symonds

Lien de l'article en anglais:

http://www.wsws.org/en/articles/2014/05/26/pers-m26.html

 

La réponse américaine au coup d'Etat militaire de la semaine dernière en Thaïlande était totalement cynique. Apres avoir déclaré qu'il était "déçu par la décision de l'armée thaïlandaise de suspendre la constitution et prendre le contrôle du gouvernement", le secrétaire d'Etat John Kerry a demandé "un retour à la démocratie" et a averti que les programmes d'assistance militaire et d'autres seraient examinés.

La "déception" de Kerry n'avait rien à voir avec une quelconque préoccupation pour les droits démocratiques du peuple thaïlandais. Elle reflète plutôt que la préoccupation de l'administration Obama, tout au long de ces sept mois de troubles politiques à Bangkok, a été de préserver ses relations étroites et de longue date avec l'armée thaïlandaise dans le cadre de son vaste plan de "pivot asiatique" et de son escalade militaire contre la Chine dans la région.

La prise du pouvoir par l'armée, le 22 mai, est l'aboutissement de ce qui ne peut être décrit que comme un coup d'Etat rampant par les élites traditionnelles de Thaïlande qui gravitent autour de la monarchie et qui étaient amèrement hostiles au gouvernement élu du Parti Pua Thai et à son bailleur de fonds principal, l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra. Des manifestations anti-gouvernementales, qui ont débuté en novembre dernier, exigeant l'éviction de la Première ministre Yingluck Shinawatra, la soeur de Thaksin, ont été accompagnées par des décisions judiciaires partisanes qui ont resserré l'étau autour du gouvernement.

L'administration Obama n'a rien dit en mars dernier lorsque la Cour constitutionnelle a annulé les résultats de l'élection du 2 février qui avait été perturbée par des manifestations anti-gouvernementales ainsi qu'un boycott du Parti Démocrate d'opposition. La décision du tribunal a laissé le gouvernement dans les limbes du pouvoir avec un statut de gouvernement intérimaire aux pouvoirs limités. Washington n'a pas non plus critiqué la décision de la Cour constitutionnelle du 7 mai de cette année, qui a renversé Yingluck et neuf ministres sur de fausses accusations, ce qui équivalait à un coup d'Etat judiciaire. Le 20 mai dernier, le Département d'État des États-Unis a approuvé l'imposition de la loi martiale par l'armée et a accepté la parole du général en chef de l'armée Prayuth Chan-ocha comme quoi ce n'était "pas un coup d'Etat."

Kerry a seulement exprimé sa déception deux jours plus tard après que Prayuth ait dissous le gouvernement intérimaire, arrêté des dirigeants politiques, imposé une censure totale, interdit les rassemblements publics et ait pris le pouvoir en tant que Premier ministre lui-même. Il n'était plus possible pour les États-Unis de prétendre qu'un coup d'Etat militaire n'avait pas eu lieu et cela a mis l'administration Obama dans une position où elle était légalement tenue d'agir. En vertu de la Loi sur l'Aide étrangère des USA, la Maison Blanche doit nécessairement couper l'aide aux pays dans lesquels un "chef de gouvernement élu est renversé par un coup d'État militaire."

Les États-Unis ont depuis annoncé une suspension symbolique de 3,5 millions de dollars d'aide militaire à la Thaïlande, mis fin à un exercice naval conjoint qui était en cours depuis la semaine dernière, et annulé un programme de formation de la police et deux échanges de haut niveau. Il ne fait aucun doute, cependant, que dans les coulisses, l'étroite collaboration du Pentagone avec les militaires se poursuivra sans relâche jusqu'à une reprise des relations complètes le plus tôt possible.

Tout cela a été élaboré à l'avance entre l'administration Obama et les chefs militaires thaïlandais. Le secrétaire d'Etat adjoint américain, Daniel Russel, était à Bangkok le mois dernier pour rencontrer "un éventail de dirigeants ainsi que les parties prenantes." Il a fait appel au public pour un compromis entre le gouvernement et ses opposants royalistes exigeant un "Comité Populaire " non élu pour diriger le pays. Dans les coulisses, cependant, les responsables américains ont sans doute été informés par les chefs militaires.

Le coup de la semaine dernière suit le même schéma que l'éviction de Thaksin par l'armée en 2006. WikiLeaks a révélé plus tard que l'ambassadeur américain Ralph Boyce avait été informé du coup d'Etat militaire plusieurs semaines à l'avance et avait donné son approbation. Les deux parties avaient convenus qu'il y aurait une réduction de l'aide des États-Unis en façade. Cependant, le financement des États-Unis a continué pour les programmes de non-prolifération et de lutte contre le terrorisme. La Thaïlande a gardé son traitement préférentiel comme un allié majeur non-OTAN et les exercices militaires annuels conjoints Cobra Gold, l'une des plus grande manœuvre militaire du monde, se sont déroulés comme prévu en 2007 alors que la junte était au pouvoir. L'administration Obama a sans doute donné le feu vert pour ce dernier coup d'Etat comme l'administration Bush l'avait fait en 2006.

Les actions de l'armée ne visent pas principalement la faction pro-Thaksin de la classe dirigeante, mais la classe ouvrière et les pauvres du monde rural. La peur dans les cercles dirigeants thaïlandais, et aussi à Washington, c'est que les luttes intestines prolongées entre factions puissent ouvrir la porte à un mouvement de travailleurs et de paysans suite à des conditions de croissance économique négative, une montée des tensions sociales et des exigences des entreprises pour l'austérité .

Tout en donnant un soutien tacite au coup d'État, les États-Unis cherchent aussi à minimiser l'impact de ​​leurs relations avec l'armée. La Thaïlande est un allié militaire principal et a envoyé des troupes pour combattre dans les guerres américaines néocoloniale en Corée, au Vietnam, en Afghanistan et en Irak. Pendant la guerre du Vietnam, 50 000 soldats américains étaient basés en Thaïlande et des bombardiers américains en mission au Vietnam décollaient des bases aériennes thaïlandaises.

L'importance de la Thaïlande aux plans de guerre du Pentagone a été soulignée par un câble WikiLeaks datant de 2009 et écrit par l'ambassadeur américain Eric John qui a noté que "nos militaires accèdent tranquillement à la base aérienne d'Utapao plus de 1000 fois par an pour des vols en vue d'appuyer les opérations américaines, y compris pour les missions en Afghanistan et en Irak." Il a également noté que l'armée américaine a utilisée la même base aérienne "pour des vols contre des cibles qui présentaient un intérêt pour l'intelligence (NDT: la CIA), et nous avons reçu l'autorisation de ces opérations comme une question de routine, sans avoir à répondre à des questions à la fin de ces vols. Il est difficile d'imaginer un autre pays en Asie qui puisse si facilement permettre ces opérations. Alors que nous évitons de faire connaître notre utilisation d'Utapao pour éviter les sensibilités thaïlandaises concernant la perception de l'implication étrangère dans leur pays, Utapao et les ports maritimes thaïlandais demeurent vitaux pour nos objectifs de projection de nos forces en Asie du Sud-Est".

Le soutien implicite de Washington pour le coup d'Etat militaire de la semaine dernière en Thaïlande est un avertissement à la classe ouvrière en Asie et à l'étranger. Loin d'être un champion de la démocratie, l'impérialisme américain soutient de plus en plus les régimes d'ultra-droite, comme le gouvernement japonais de Shinzo Abe et la présidente de Corée du Sud, Parc Geun-hye, fille de l'ancien dictateur soutenu par les États-Unis, Parc Chun-hee, car il cherche à réaffirmer l'hégémonie des États-Unis à travers le "pivot asiatique" en vue de se préparer à la guerre contre la Chine. La junte thaïlandaise est le dernier domino du "pivot".

La lutte politique pour les droits démocratiques et contre l'austérité est nécessairement liée à la lutte contre la politique va-t-en-guerre des États-Unis. Les travailleurs de Thaïlande ne pourront défendre leurs intérêts de classe et leurs droits fondamentaux qu'en se tournant vers la classe ouvrière de toute la région et surtout en participant à une lutte commune contre les États-Unis dans une perspective socialiste et internationaliste.

Peter Symonds

Lors des manœuvres conjointes Thaïlande/USA Cobra Gold, un instructeur militaire américain explique à des soldats thaïlandais comment lutter en milieu urbain

Lors des manœuvres conjointes Thaïlande/USA Cobra Gold, un instructeur militaire américain explique à des soldats thaïlandais comment lutter en milieu urbain

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