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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 12:33

Publiée en anglais par le site New Mandala

Lien de l'interview en anglais:

http://asiapacific.anu.edu.au/newmandala/2013/04/15/interview-with-joe-gordon-lese-majeste-and-democracy/


Ceci est une interview spéciale avec Joe Gordon (Lerpong Vichaikhammart), qui a été inculpé de lèse-majesté en 2011, puis condamné à deux ans et demi d'emprisonnement.
Il a été interviewé à Los Angeles aux Etats-Unis le 24 Mars 2013 par Pavin Chachavalpongpun, professeur associé du Centre d'études sur l'Asie du Sud-est de l'Université de Kyoto


Pavin Chachavalpongpun: Depuis votre retour aux États-Unis, qu'avez-vous fait?
Joe Gordon: Je suis dans un processus de réajustement. Après mes expériences horribles de la vie en prison thaïlandaise, je suis toujours troublé et le fait que je n'ai jamais reçu de justice a joué dans mon esprit. Le problème est l'article 112 (loi de lèse-majesté), il permet à quiconque de déposer une plainte contre d'autres bon gré mal gré. Je ne savais pas que quelqu'un avait déposé une plainte contre moi. Plus important encore, les juges thaïlandais, ceux qui ont examinés les accusations portées contre moi, étaient politisés. Ils ne se sont jamais considérés comme caution dans mon cas. Encore aujourd'hui, ces expériences sont traumatisantes et reflètent les actions non-civilisées qui entourent la question de la lèse-majesté. Après ma libération de prison le 10 Juillet 2012, je suis immédiatement retourné aux États-Unis et j’ai subi une réhabilitation progressive, à la fois physiquement et mentalement.
Pavin Chachavalpongpun: Avez-vous le projet de retourner en Thaïlande?
Joe Gordon: Je suis allé en Thaïlande en tant que touriste américain ayant en ma possession un passeport américain. Mais quand j'ai été arrêté, les autorités thaïlandaises ont affirmé que j'étais encore citoyen thaïlandais. En d'autres termes, ils ont forcés la "Thainess" sur moi. Le processus judiciaire thaïlandais manque sérieusement de normes. Tant que la loi de lèse-majesté existera, la Thaïlande restera antidémocratique. L'article 112 supprime notre liberté d'expression. Il ne permet pas une opinion franche sur la monarchie thaïlandaise. Au lieu de cela, il crée un climat de peur parmi le peuple.
Pavin Chachavalpongpun: Votre point de vue sur la loi de lèse-majesté?
Joe Gordon: Si la Thaïlande veut devenir une nation civilisée, elle doit abolir cette loi anachronique. Le monde a changé. Et la Thaïlande n'est plus sous le régime de la monarchie absolue. La monarchie thaïlandaise devra agir comme prescrit par la Constitution. Elle devra s'adapter à l'évolution des circonstances politiques et sociales. La monarchie britannique a survécu principalement parce qu'elle a appris à vivre avec la démocratie. En outre, le budget de la monarchie doit être transparent et responsable. Et puisque les membres de la famille royale sont des personnages publics, ils doivent être ouverts à la critique. La glorification de la monarchie a lieu depuis longtemps en Thaïlande, c'est irréaliste et c'est une fabrication. D'autres institutions qui ont forgé des liens intimes avec la monarchie devront s'adapter aussi. Par exemple, le pouvoir judiciaire, connu pour être un instrument de la monarchie, est également en crise. Tant qu'ils ne sont pas prêts à vivre avec une nouvelle réalité, une véritable démocratisation de la Thaïlande ne sera pas possible.
Pavin Chachavalpongpun: Votre point de vue sur le mouvement des Chemises rouges aux Etats-Unis?
Joe Gordon: Je souhaite que les Chemises rouges de Los Angeles travaillent plus étroitement ensemble afin d'augmenter leur voix et leur potentiel. Pourtant, ils ont fait un bon travail en matière de sensibilisation sur la situation politique en Thaïlande. J'espère qu'il y aura plus d'activités parmi les chemises rouges d'ici et je suis heureux d'y participer. Pour ma part, je vais continuer à faire campagne pour l'abolition de la loi de lèse-majesté à travers les réseaux sociaux, tels que par ma propre page Facebook. J'espère que cela mettra en lumière les problèmes de cette loi, à la fois pour les Thaïlandais et pour le reste du monde. Après 14 mois de prison, il est impossible pour moi de garder le silence sur ces questions.
Pavin Chachavalpongpun: Les conditions de détention de la prison?
Joe Gordon: Terribles. Les prisons thaïlandaises sont fétides et décrépites, elles ont été délaissées pendant des années et sont dans un état de délabrement. Les médecins ne sont généralement pas disponibles et, quand ils sont sur place, ils refusent généralement de répondre aux besoins des détenus. Ils traitent les prisonniers de façon bien pire qu'ils traitent les animaux. En outre, les agents se montrent préjudiciaux, en particulier vis-à-vis des détenus pour lèse-majesté qui sont durement traités. Après qu'un certain nombre de Chemises rouges se soient plaint au gouvernement de Yingluck Shinawatra à propos des conditions de détention déplorables, il y a eu une légère amélioration avec quelques zones des prisons mise à niveau. La violence physique contre les prisonniers a aussi disparu. Je rejette personnellement l'idée de séparer ceux qui sont prisonniers politiques de ceux qui sont emprisonnés pour lèse-majesté. Mais cet appel a, jusqu'ici, été infructueux. Aujourd'hui, les prisonniers accusés d'infraction à la loi 112 sont placés dans les mêmes cellules que les autres criminels. Les prisons sont surpeuplées. Nous devons vivre côte à côte avec ceux qui souffrent du sida, de la tuberculose et d'autres maladies transmissibles.
Pavin Chachavalpongpun: Quel a été l'assistance du gouvernement américain?
Joe Gordon: Depuis que je suis revenu aux États-Unis, je n'ai pas eu de contact avec les autorités américaines. Toutefois, dans le processus pour être émancipé, l'ambassade américaine à Bangkok s'est bien occupée de moi. Alors que j'étais en prison, des agents de l'ambassade américaine m'ont rendus visite régulièrement, et les visites ont augmenté lors de mes derniers jours en prison. Ils ont suivi la pétition pour un pardon royal. Une fois libéré, j'ai été embarqué par des agents de l'ambassade dans le milieu de la nuit pour éviter l'attention des médias. Ils voulaient que je parte de Thaïlande le plus rapidement possible. Alors que j'attendais pour mon départ, j'ai été placée dans une "maison sûre", principalement pour avoir un contrôle médical complet. Les agents de l'ambassade m'ont finalement conduit à l'aéroport. Ils voulaient être sûrs que je puisse effectivement quitter la Thaïlande sans être harcelé par qui que ce soit. J'ai volé sur United Airlines. A ce moment là, la mission de l'ambassade américaine avait pris fin.
Pavin Chachavalpongpun: Comment voyez-vous le rôle des universitaires dans la campagne pour l'abolition de la loi 112?
Joe Gordon: Je les admire pour leur courage et leur prise de position claire en ce qui concerne la loi lèse-majesté et le rôle de la monarchie dans la politique. Mais la poussée de la communauté universitaire ne suffit pas. Nous avons besoin d'un soutien de masse pour apporter de réels changements. Il nous manque encore un dirigeant qui soutiendrait des rassemblements et transformerait ces appels abstraits en actions pratiques. Mais comme je l'ai dit, je suis heureux de constater le rôle courageux des universitaires qui offrent leurs connaissances et prennent des responsabilités tout en exprimant leurs opinions sans crainte.

Quelques liens en français sur l'affaire Joe Gordon:

http://liberez-somyot.over-blog.com/article-joe-gordon-104221998.html

http://liberez-somyot.over-blog.com/article-lettre-du-prisonnier-politique-joe-gordon-au-president-obama-107802317.html

http://liberez-somyot.over-blog.com/article-le-prisonnier-politique-joe-gordon-libere-108018621.html

 

Ci-dessous: une photo de Joe Gordon alors qu'il était emprisonné en Thaïlande

 

Joe Gordon

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