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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 06:20

Noam Chomsky avait déjà tout compris sur la Thaïlande et sur le reste du monde en 1971.

Voici un extrait de l'essai de Noam Chomsky "Pour la défense du mouvement étudiant" écrit en 1971 (comme quoi, l'histoire se répète ou se confirme):

"Les dangers de la guerre nucléaire et ses conséquences sont évidemment immense et ne nécessitent aucun commentaire. Mais le problème de la répression, de l'institution de formes dictatoriales, est celui qui peut certainement faire le plus parler de lui, et est très grave. Par exemple, l'année dernière, il y a eu beaucoup de rapports dans les journaux sur les développements politiques en Thaïlande. Mais il y a un certain nombre de choses qui n'ont pas été mentionnées dans ces rapports. En particulier, un long article a été publié dans le New York Times à propos de la réapparition soudaine à Pékin d'un homme nommé Pridi Banomyong, qui était tout simplement identifié comme un leader communiste thaïlandais et qui était devenu tout à coup d'une certaine importance pour la Chine. Cependant, il y a des faits historiques intéressants, qui ne sont pas signalé dans l'article, notamment sur les causes de sa loyauté vis-à-vis de Pékin.

Si on se penche sur l'histoire de ces évolutions, on trouve des choses importantes. En 1932, Pridi Banomyong était le leader du mouvement de réforme libérale qui a essayé d'introduire des institutions parlementaires en Thaïlande et a renversé la monarchie absolue. Il fut lui-même renversé peu après, puis, pendant la Seconde Guerre mondiale, a combattu aux côtés de l'OSS américaine dans le mouvement de guérilla "Free Thai" contre les Japonais tandis que la Thaïlande était sous la domination d'un dictateur fasciste qui avait formé une alliance avec le Japon. En 1946-47, Pridi a mené un mouvement libéral pour la réforme parlementaire et a remporté les seules élections libres de l'histoire de la Thaïlande. Mais il n'a pratiquement pas reçu de soutien de la part des États-Unis et a été rapidement renversé par un coup d'Etat. En 1948, le dictateur fasciste qui avait collaboré avec les Japonais était de retour au pouvoir. Il a été immédiatement reconnu par les États-Unis et, compte tenu de leur aide économique et militaire très importante, a pu développer la Thaïlande comme l'un des prétendus bastions de la liberté en Asie du Sud-Est.

En fait, la Thaïlande est devenue l'une des dictatures les plus répressives, sanglantes et vicieuses du monde. Ses crimes énormes sont rapportés dans les documents historiques d'un livre écrit par un libéral pro-Kennedy nommé Frank Darling, qui explique, avec beaucoup de détail, le rôle des Etats-Unis dans cette répression de l'après-guerre, après le coup d'Etat. Et il souligne quelque chose que le New York Times n'a pas pris la peine de mentionner; à savoir, qu'après que Pridi ait été renversé par un coup d'Etat qui a été reconnu immédiatement par les États-Unis, ce dernier est resté en Thaïlande pendant quelques années avant de s'enfuir en Chine, de sorte qu'en 1954, le réformateur libéral qui avait combattu contre les Japonais, main dans la main avec les Américains, avait dû se réfugier en Chine communiste, et le dictateur fasciste, qui s'était allié avec les Japonais et nous avait déclaré la guerre, avait repris le pouvoir en Thaïlande, tout en maintenant une dictature militaire autoritaire avec un soutien militaire américain important.

Ce qui selon M. Darling était "ironique"! Il conclut alors et résume la situation comme suit:

"Le vaste soutien matériel et diplomatique des États-Unis pour les chefs militaires thaïlandais a contribué à empêcher l'émergence d'un groupe de concurrents qui auraient pu contester cette tendance à la domination politique absolue et conduire le pays à une forme de gouvernement plus moderne."

La dernière partie de la phrase est intéressante: "conduire le pays à une forme de gouvernement plus moderne." Elle est tout à fait appropriée parce que les Thaïlandais avaient déjà eu une forme de gouvernement plus moderne en 1946-47 sous la direction d'un réformateur libéral qui est maintenant réfugié en Chine communiste; et c'est l'aide militaire américaine qui a très largement créé cette situation dans laquelle on espère maintenant qu'ils pourraient revenir à cette forme de gouvernement plus moderne.

Ceci est un exemple assez typique de l'impact américain sur les pays les moins développés. Dans le cas où nous échapperions à la guerre nucléaire, les perspectives de paix sont vraiment des perspectives de paix en prison ou de paix au cimetière si les tendances actuelles se poursuivent. Il est intéressant de noter que Darling, s'il déplore les conséquences de nos actions en Thaïlande, exhorte néanmoins à ce que nous continuions à peu près comme avant. Il exprime ainsi la voix prédominante dans la société américaine: "Les conséquences de nos actions sont déplorables, mais ce n'est pas notre faute, nous n'avons pas le choix, nous devons continuer." Cependant, bien sûr, ce n'est pas tout à fait la voix prépondérante parce que Frank Darling est avant tout un libéral, un analyste de la CIA et fondamentalement un libéral pro-Kennedy."

 

Lien de l'essai "Pour la défense du mouvement étudiant" en anglais:

http://www.chomsky.info/articles/1971----03.htm

 

Si vous désirez en savoir plus sur Pridi Banomyong, lisez donc "Mon adolescence révolutionnaire" en cliquant sur le lien suivant:

http://liberez-somyot.over-blog.com/article-mon-adolescence-revolutionnaire-par-pridi-banomyong-109171714.html

Noam Chomsky

Noam Chomsky

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12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 16:38

Double meurtre en Thaïlande. Les autorités doivent enquêter sur les allégations de torture et respecter les droits humains

 

Lien de la déclaration d'Amnesty International:

http://www.amnesty.fr/Presse/Communiques-de-presse/Double-meurtre-en-Thailande-Les-autorites-doivent-enqueter-sur-les-allegations-de-torture-et-respect-12804

 

Les autorités thaïlandaises doivent veiller à ce qu’une enquête indépendante et approfondie soit menée sur les allégations de plus en plus nombreuses faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés par des policiers, et respecter les droits de la défense dans le cadre de l’enquête concernant le meurtre de deux touristes sur l’île de Koh Tao, a déclaré Amnesty International mardi 7 octobre.

À la suite de l’arrestation de deux ressortissants du Myanmar pour le meurtre de Hannah Witheridge et Andrew Miller en septembre, un avocat de l’équipe juridique de l’ambassade du Myanmar, qui a rencontré ces détenus, a déclaré que l’un d’eux avait affirmé que des policiers l’avaient battu et menacé d’électrocution.  

De nombreuses sources ont signalé des actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants subis par d’autres travailleurs migrants originaires du Myanmar arrêtés par la police dans le cadre de cette enquête.

"Les autorités thaïlandaises doivent diligenter une enquête indépendante, efficace et transparente sur les allégations de plus en plus nombreuses faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés par des policiers, a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

"La pression qu’implique la mission d’élucider un crime ayant recueilli une attention considérable ne doit pas entraîner des violations des droits humains, notamment du droit à un procès équitable."

Hannah Witheridge, 23 ans, et Andrew Miller, 24 ans, ont été tués aux premières heures du 15 septembre sur l’île touristique de Koh Tao.

Selon certaines informations, des policiers ont battu des travailleurs migrants originaires du Myanmar interrogés dans le cadre de cette affaire, les ont menacés et ont versé de l’eau bouillante sur eux.

La mère de l’un d’eux aurait déclaré que la police thaïlandaise avait ordonné aux détenus torturés ou soumis à d’autres mauvais traitements de ne pas parler aux médias et les avait menacés.

"Les autorités doivent protéger des menaces et des actes de représailles toute personne, quel que soit son statut migratoire, qui signale ou évoque des actes de torture ou d’autres mauvais traitements, et fournir une pleine réparation aux victimes, a déclaré Richard Bennett.

"Elles doivent également veiller à ce que les prétendus aveux et autres informations extorqués au moyen de la torture ne soient pas admis à titre de preuve devant les tribunaux, hormis pour prouver que des actes de torture ont été commis."

En mai 2014, le Comité des Nations unies contre la torture a exprimé sa vive inquiétude au sujet des allégations persistantes indiquant que les membres de l’armée, de la police et de l’administration pénitentiaire thaïlandaises ont fréquemment recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements sur des détenus. Il a engagé les autorités à prendre des mesures immédiates et efficaces pour enquêter sur ces allégations, traduire en justice les responsables présumés et les punir.

"L’enquête sur ces allégations de torture doit être menée par un organe indépendant, et certainement pas par la police elle-même", a déclaré Richard Bennett.

Les autorités ont déjà fait participer les suspects à une reconstitution publique et télévisée du crime, qui a porté atteinte à leur droit d’être présumés innocents.

"Tous les suspects doivent bénéficier du respect de leur droit à un procès équitable, qui revêt une importance particulière lorsqu’il s’agit d’un crime potentiellement passible de la peine capitale", a déclaré Richard Bennett.

Amnesty International est opposée en toutes circonstances à la peine de mort, qui constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie.

Les deux jeunes immigrés birmans torturés par la police thaïlandaise

Les deux jeunes immigrés birmans torturés par la police thaïlandaise

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11 octobre 2014 6 11 /10 /octobre /2014 09:39

Un article de Giles Ji Ungpakorn

Lien:

https://uglytruththailand.wordpress.com/2014/10/09/prayut-travels-to-burma-to-meet-his-only-true-friends/

 

Le voyage du général Prayut en Birmanie est une tentative pathétique de sa part pour être vu comme un "homme d'Etat international". La vérité est que si le chef de la junte thaïlandaise avait fait une demande de voyage officiel à tout pays ayant une démocratie véritable, elle aurait été refusée. C'est un paria doublé d'un embarras. Donc, il doit se tourner vers ses meilleurs amis, les militaires birmans.

La Thaïlande et la Birmanie se sont beaucoup rapprochées et sont devenues très semblable après le récent coup d'Etat. La junte birmane a beaucoup d'expérience dans le trucage des élections et la construction d'un système politique où les élus n'ont aucun pouvoir réel. Qui plus est, seul le "bon type de personnes" peut exercer une haute fonction en Birmanie. Les élections sont une mascarade pour faire semblant. C'est exactement la conception qu'ont Prayut et son équipe d'antidémocrates pour la Thaïlande en ce moment. Ils veulent mettre en place un système politique où les élections auront peu de poids et où les politiciens comme Taksin et Yingluk seront interdits.

La plupart des médias internationaux pensent que rien de substantiel en termes d'accords économiques ne sortira du voyage de Prayut en Birmanie. La promotion de l'image et le renforcement de l'amitié mutuelle sont les principales raisons de ce voyage.

Le régime birman peut poliment protester contre la torture de deux travailleurs migrants birmans, qui a aboutie à ce qu'on appelle une confession pour les meurtres brutaux de deux touristes britanniques, mais cela ne sera que pour la galerie. La dure réalité est que les généraux birmans se sont donné la part du lion de la richesse en Birmanie, tout en négligeant le bien-être économique et social des gens ordinaires. C'est pourquoi des millions de Birmans cherchent du travail au-delà des frontières. La junte thaïlandaise est également occupée à exploiter et abuser les travailleurs migrants. Ses politiques économiques, y compris l'idéologie du roi d'économie de suffisance, favorisent les riches et les généraux thaïlandais sont occupés à accumuler leur propre richesse.

Aussi bien la junte thaïlandaise que le régime birman ont peu de respect pour les minorités ethniques qui luttent pour l'autonomie et la liberté.

Aussi bien la junte thaïlandaise que le régime birman n'hésitent pas à recourir à la violence brutale contre des gens qui sont en désaccord avec eux. Prayut est le militaire clé qui a ordonné le massacre des Chemises rouges pro-démocratie en 2010.

L'amitié entre les citoyens de Birmanie et ceux de Thaïlande serait une bonne chose. Une réduction du racisme thaïlandais contre les migrants en provenance de Birmanie serait aussi un énorme pas en avant.

Mais l'amitié entre les dirigeants despotiques de la Thaïlande et de la Birmanie ne sera pas bénéfique aux citoyens des deux pays. C'est un autre obstacle à la construction de la liberté et de la démocratie de part et d'autre de la frontière.

Nous avons besoin de solidarité à travers les frontières entre les gens qui veulent se battre pour la démocratie.

Les militaires birmans

Les militaires birmans

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10 octobre 2014 5 10 /10 /octobre /2014 12:35

Une interview de Jaran Ditapichai par Adrien Le Gal du journal Le Monde

Lien:

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2014/10/03/la-communaute-internationale-doit-faire-pression-sur-la-junte-thailandaise_4500140_3216.html

 

Jaran Ditapichai est un des représentants des Chemises rouges, mouvement proche de l’ancien premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra et hostile au coup d’Etat militaire du 22 mai, qui a porté au pouvoir le général Prayuth Chan-Ocha. Né en 1947 dans la province de Phatthalung, dans le Sud thaïlandais, Jaran Ditapichai est une des figures de la révolution étudiante de 1973 à Bangkok. Après la répression de 1976, il rejoint le Parti communiste thaïlandais et entre dans la clandestinité, avant de trouver refuge à Paris entre 1984 et 1999. Dans les années 2000, il fait partie de la Commission thaïlandaise des droits de l’homme, une ONG. Depuis le coup d’Etat du 22 mai, il est entré en dissidence et a de nouveau rejoint la France, où il a demandé l’asile politique.

 

Adrien Le Gal - Que s’est-il passé pour vous depuis le coup d’Etat du 22 mai?

 

Jaran Ditapichai - Après avoir pris le pouvoir, les militaires ont convoqué 150 personnes supposées hostiles au coup d’Etat, dont moi. La plupart ont répondu à la convocation parce qu’elles n’avaient aucune idée de comment elles pouvaient se cacher. Elles ont été détenues quelques jours, puis relâchées, pour toutes celles qui n’étaient pas accusées d’un crime de lèse-majesté. Moi j’ai choisi de ne pas me rendre à la convocation. J’ai traversé clandestinement la frontière avec le Cambodge, et trois semaines plus tard je suis arrivé en France. Entre-temps, mon passeport thaïlandais a été annulé et une enquête pour crime de lèse-majesté a été ouverte à mon sujet.

 

Adrien Le Gal - Que vous reproche la justice thaïlandaise?

 

Jaran Ditapichai - D’avoir été l’un des organisateurs d’une représentation de théâtre, l’an dernier, à l’occasion du 40e anniversaire de la manifestation étudiante du 14 octobre 1973, qui avait fait tomber la dictature militaire. Les autorités ont considéré que cette pièce critiquait la monarchie, et aujourd’hui, deux personnes sont toujours détenues pour y avoir participé.

 

Adrien Le Gal - Pourquoi le gouvernement issu du coup d’Etat militaire est-il aussi prompt à réprimer le crime de lèse-majesté?

 

Jaran Ditapichai - Ce thème est central dans la crise thaïlandaise actuelle. Après le coup d’Etat de 2006, qui a renversé Thaksin Shinawatra, des Thaïlandais ont critiqué l’implication du Roi dans la politique thaïlandaise, ainsi que son immense fortune – c’est le souverain le plus riche du monde. C’était du jamais vu dans l’histoire du pays. L’armée ne savait pas comment faire cesser ce phénomène, et elle a pris le pouvoir. Le coup d’Etat du 22 mai avait pour objectif de stopper ceux qui critiquent la monarchie et de détruire le Pheu Thai ["Pour les Thaïlandais"], le parti pro-Thaksin, que les militaires considèrent comme trop puissant électoralement.

 

Adrien Le Gal - En tant que membre des Chemises rouges, êtes-vous pour l’abolition pure et simple du crime de lèse-majesté?

 

Jaran Ditapichai - Il faudrait en tout cas réformer la législation. Aujourd’hui, n’importe quel citoyen peut accuser un autre de ce crime auprès de la police. Les personnes arrêtées ne sont pas libérées sous caution jusqu’à la fin de la procédure, qui peut durer plusieurs années. Enfin, les peines prévues, entre cinq et quinze ans de prison, sont trop sévères.

 

Adrien Le Gal - Aujourd’hui, où en est le mouvement des Chemises rouges?

 

Jaran Ditapichai - Huit ans se sont écoulés depuis le coup d’Etat de 2006. Beaucoup de militants sont découragés, ont dû s’enfuir, se cacher, certains ont été tués… Mais en Thaïlande, les représentants du gouvernement renversé le 22 mai sont de plus en plus virulents. A l’étranger, nous avons fondé l’Organisation des Thaïlandais libres pour les droits de l’homme et la démocratie (FTHD), que je représente en Europe. Nous souhaitons interpeller la communauté internationale, afin qu’elle mette la pression sur le gouvernement de Prayuth, par exemple en refusant de vendre des armes à l’armée thaïlandaise. Le mécontentement grandit en Thaïlande. Dans quelques mois, il y aura sans doute des manifestations importantes contre les militaires.

 

Adrien Le Gal - Comment jugez-vous l’action de Prayuth Chan-ocha depuis son arrivée au pouvoir?

 

Jaran Ditapichai - Je trouve qu’il n’est pas très intelligent et qu’il dit beaucoup de bêtises, comme on l’a vu dans l’affaire des bikinis [après le meurtre de deux touristes britanniques, le 15 septembre, Prayuth Chan-ocha s’était publiquement interrogé : "Peuvent-elles être en sécurité en bikini ? A moins qu’elles ne soient pas belles"]. Il affirme presque tous les jours qu’il va donner "du bonheur au peuple", qu’il va lutter contre la corruption, mais on sait qu’il n’y croit pas lui-même.

 

Adrien Le Gal - Que pensez-vous de l’intention affichée par Prayuth Chan-ocha de réconcilier les deux clans rivaux en Thaïlande, les Chemises rouges et les Chemises jaunes (militants ultraroyalistes, souvent issus des classes favorisées de Bangkok)?

 

Jaran Ditapichai - Ce n’est pas possible, le fossé est trop grand. Les Chemises jaunes ne croient pas en la démocratie, ils estiment que les élections ne profitent qu’aux hommes politiques corrompus. Ils se considèrent comme des saints et nous considèrent comme des démons. Cette situation durera pendant encore dix ou vingt ans.

 

Adrien Le Gal - Les Chemises jaunes estiment que les membres des Chemises rouges, fortement représentés dans les régions pauvres de la Thaïlande, sont ignorants en matière politique…

 

Jaran Ditapichai - Oui, ils disent que nous sommes comme des buffles [une expression péjorative en thaï]… Mais c’est une méconnaissance de leur part. Dans la Thaïlande d’aujourd’hui, lorsque l’on va dans les villages, on constate au contraire que les gens sont très instruits, très au fait de l’actualité politique. Ils lisent des journaux, vont sur Internet, écoutent des disques politiques… A Bangkok, les chauffeurs de taxi, qui sont souvent pro-Thaksin, parlent facilement de l’actualité avec leurs clients. Il est facile de constater qu’ils ont une bonne culture politique et qu’ils sont bien informés.

 

Adrien Le Gal - Dans les années 2000, en tant que militant des droits de l’homme, vous vous êtes montré très critique envers Thaksin Shinawatra. Aujourd’hui, vous vous retrouvez dans le même camp que lui…

 

Jaran Ditapichai - A l’époque, j’ai en effet dénoncé la violence de la répression contre la drogue. Mais je fais la distinction entre ce qui s’est passé quand il était premier ministre et la situation actuelle. De mon côté, j’ai toujours été un militant des droits de l’homme, et donc un opposant aux coups d’Etat militaires. Par ailleurs, aujourd’hui, Thaksin essaie de se faire discret. Il veut retourner en Thaïlande, que ce soit par le compromis ou par la lutte politique, et depuis le coup d’Etat il est difficile d’avoir accès à lui, même pour l’opposition en exil.

 

Adrien Le Gal - Qu’en est-il de la gauche en Thaïlande?

 

Jaran Ditapichai - Elle n’existe pratiquement pas. Mais il y a quand même des clivages économiques entre les rouges et les jaunes : les rouges sont des libéraux. Mais certains jaunes, qui interprètent à leur manière la philosophie du roi Bhumibol Adulyadej sur l’autosuffisance du pays, veulent que la Thaïlande se déconnecte de l’économie mondiale. A mon sens, cela serait une erreur.

Jaran Ditapichai, le 25 septembre à Paris

Jaran Ditapichai, le 25 septembre à Paris

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9 octobre 2014 4 09 /10 /octobre /2014 14:14

Suite à notre article "Des boucs émissaires birmans dans une affaire de meurtre en Thaïlande", nous avons reçu une douzaine de courriels en anglais et en français envoyé par des résidents de Koh Tao. Ces gens veulent rester anonymes car ils vivent sur place et ont très peur de cette famille capable d'influer sur les conclusions de l'enquête de police.

Voici en gros ce que ces personnes disent:

Les responsables du meurtre et du viol d'Hannah Witheridge et de l'assassinat de David Miller qui tentait de la défendre seraient un homme nommé Warot Tuwichian ainsi qu'un ami à lui non identifié. Warot Tuwichian a oublié sur place un préservatif qui contenait bien sûr son ADN.

Warot Tuwichian est le fils de Montriwat Tuwichian, agé de 45 ans, et gérant du AC Bar, un bar fréquenté par les jeunes touristes et recommandé par le guide de voyage "Lonely Planet".

Montriwat Tuwichian

Montriwat Tuwichian

La recommandation du guide de voyage "Lonely Planet"

La recommandation du guide de voyage "Lonely Planet"

Montriwat Tuwichian est visiblement l'homme à gauche sur la photographie prise par un touriste des deux Thaïlandais qui ont menacé Sean McAnna, le jeune témoin écossais.

Koh Tao: Un membre d'une famille mafieuse locale serait-il le responsable du meurtre des deux jeunes touristes britanniques?

Là où ça se complique, c'est que le frère de Montriwat Tuwichian, et donc l'oncle du supposé violeur et assassin, n'est autre que Voraphan Toovichien, un politicien mafieux local, maire de Koh Tao et aussi un important membre de la section de Surat Thani du Parti Démocrate.

Koh Tao: Un membre d'une famille mafieuse locale serait-il le responsable du meurtre des deux jeunes touristes britanniques?

Le chef du Parti Démocrate de la province de Surat Thani (dont dépend l'ile de Koh Tao) n'est autre que Suthep Thaugsuban, l'homme qui a créé le PDRC et organisé les manifestations qui ont donnée à l'armée le prétexte pour faire un coup d'Etat.

Suthep Thaugsuban qui porte le même bracelet jaune que Montriwat Tuwichian sur la photo ci-dessus

Suthep Thaugsuban qui porte le même bracelet jaune que Montriwat Tuwichian sur la photo ci-dessus

Voraphan Toovichien a été un des organisateurs du PDRC dans la province de Surat Thani et a donc le soutien des militaires. Il aurait donc ordonné aux policiers de détruire le préservatif contenant l'ADN de son neveu et de ramasser un mégot de cigarette dans un endroit de la plage ou les jeunes birmans avaient l'habitude de jouer de la guitare une fois leur travail terminé et de prétendre l'avoir trouvé sur les lieux du crime. Ensuite, les jeunes birmans ont été torturés afin d'extraire des aveux.

Les jeunes birmans sont depuis revenus sur leurs aveux et ont affirmés avoir été torturés.

Malgré tout, ils seront probablement condamnés à mort car il s'agit de protéger la réputation d'une famille mafieuse de Koh Tao.

Les jeunes birmans qui seront probablement condamné à mort

Les jeunes birmans qui seront probablement condamné à mort

Lien de notre article "Des boucs émissaires birmans dans une affaire de meurtre en Thaïlande":

http://liberez-somyot.over-blog.com/2014/10/des-boucs-emissaires-birmans-dans-une-affaire-de-meurtre-en-thailande.html  

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8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 07:27

Une déclaration de l'Asian Human Rights Commission (AHRC)

Lien:

http://www.humanrights.asia/news/ahrc-news/AHRC-STM-177-2014

 

La Commission asiatique des droits de l'homme (AHRC) est gravement préoccupée par le maintien en détention sans inculpation de Patiwat et de Pornthip, qui sont détenus dans le cadre d'une plainte déposée contre eux pour violation alléguée de l'article 112 du Code criminel de la Thaïlande. Patiwat, 23 ans, étudiant de cinquième année à la faculté des Beaux-arts et arts appliqués à l'Université de Khon Kaen, a été arrêté le 14 août 2014 dans la province de Khon Kaen et est actuellement détenu dans la maison d'arrêt de Bangkok. Pornthip, 25 ans, diplômée de la Faculté de science politique à l'Université Ramkhamhaeng et militante, a été arrêtée le 15 août 2014 à l'aéroport de Hat Yai, et est actuellement détenue dans la prison centrale pour femmes. La plainte est en relation avec leur participation à la représentation d'une pièce, "La fiancé du Loup" (Jao Sao Ma Pa) à l'Université Thammasat en octobre 2013 pour commémorer le quarantième anniversaire du soulèvement du 14 octobre 1973. Au moment de leur arrestation, l'AHRC avait fait remarquer que leur emprisonnement, pour avoir exercé leur liberté d'expression dans une pièce de théâtre, était une indication de la criminalisation continue de la pensée et de l'expression en Thaïlande, suite au coup d'Etat du 22 mai 2014 par le Conseil national pour la paix et l'ordre (NCPO). Leur maintien en détention sans inculpation est un rappel quotidien de l'aggravation de la crise des droits de l'homme depuis le coup d'Etat.

L'article 112 du Code pénal stipule que: "Quiconque, diffame, insulte ou menace le roi, la reine, l'héritier présomptif ou le régent, sera puni d'un emprisonnement de trois à quinze ans." L'utilisation de l'article 112 est très politisée et il a souvent été utilisé comme moyen pour faire taire les voix dissidentes, en particulier lors des moments de crise de régime. Bien que cette mesure fasse partie du Code criminel depuis sa dernière révision en 1957, il y a eu une augmentation exponentielle du nombre de plaintes déposées depuis le coup d'Etat du 19 septembre 2006 et cette augmentation s'est encore multipliée après le coup d'Etat du 22 mai 2014. Selon les informations recueillies par le site de dialogue Internet sur la réforme du droit (iLaw), il y aurait quinze nouvelles affaires pendantes devant divers tribunaux criminels à travers le pays ainsi que le tribunal militaire de Bangkok. Dans ce cas, ainsi que dans d'autres, la manière dont l'action a été prise à l'encontre de Patiwat et Pornthip, seulement maintenant, dix mois après la présentation de la pièce en question, suggère qu'à suite du coup d'Etat, le passé est devenu un catalogue ouvert des actes et de la parole qui peut être criminalisé de manière rétroactive.

Le 1er octobre 2014, les autorités ont demandé une nouvelle prolongation de leur détention alors qu'elles continuent leur enquête sur Patiwat et Pornthip. La Cour pénale a accordé la prolongation. C'est la sixième fois que leur détention a été prolongée par la Cour. Dans le cas de Patiwat, son premier ordre de détention a été approuvé par la Cour le 15 août 2014, pendant 12 jours. Dans le cas de Pornthip, son premier ordre de détention a été approuvé par la Cour le 16 août 2014, pendant 12 jours. Pour les deuxième et troisième ordres de détention des deux prisonniers, le tribunal a accordé une période supplémentaire de 12 jours de détention à chaque fois. Pour le quatrième ordre de détention, la Cour a accordé six jours de détention aux deux, et pour le cinquième ordre de détention, la Cour a accordé six jours de détention pour Patiwat et 5 jours de détention pour Pornthip. Pour le sixième ordre de détention, le procureur a affirmé avoir tout juste reçu le dossier de l'enquête et n'avoir pas eu le temps nécessaire pour l'examiner, et la Cour a accordé une prolongation de 12 jours. Cela signifie qu'aujourd'hui (6 octobre 2014), Patiwat est détenu depuis 52 jours et Pornthip depuis 53 jours. Les avocats ont adressé des réclamations contre les ordres de détention subséquents au premier d'entre eux, mais la Cour les a rejetées à chaque fois. En outre, aussi bien Patiwat que Pornthip ont demandé trois fois la libération sous caution, mais la Cour a refusé à chaque fois. Lors de la prochaine audience, qui aura lieu pour tous les deux le 13 octobre prochain, le procureur doit prendre la décision ou non de formellement inculper Patiwat et Pornthip de violation de la loi ou les libérer sous caution tandis que l'enquête se poursuit ou que la plainte contre eux soit rejetée.

Peu de temps après les premières arrestations en août dernier, l'AHRC a noté dans un communiqué que, bien que des périodes prolongées sans inculpation de détention provisoire soient devenues monnaie courante dans les cas d'allégations de violation de l'article 112, les autorités thaïlandaises, en tant qu'État partie du Pacte international relatif aux droits civils et les droits politiques (PIDCP), ont l'obligation de respecter le droit à la libération temporaire.

Cependant, l'AHRC tient à rappeler à la junte, la police métropolitaine de Bangkok et la Cour pénale que l'article 9 (3) du PIDCP affirme que, "Tout individu arrêté ou détenu du fait d'une infraction pénale doit être aussitôt traduit devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. ​​Cela ne doit pas être la règle générale que les personnes en attente de jugement soient placées en détention, mais leur liberté peut être subordonnée à des garanties assurant leur comparution lors du procès, ainsi qu'à tout autre stade de la procédure judiciaire, et, le cas échéant, à l'exécution du jugement". Dans le cas de Patiwat et Pornthip, ils ont été privés de liberté provisoire avant même d'être inculpés. Comme pour d'autres cas relatifs à l'article 112, la Cour pénale a prétendu que ce refus était dû au motif que s'ils étaient reconnus coupable, ils seraient soumis à une lourde peine et seraient donc susceptibles de s'enfuir.

Dans une déclaration à l'Assemblée générale des Nations Unies à New York le 27 septembre 2014, le ministre thaïlandais des Affaires étrangères Tanasak Patimapagorn a affirmé que malgré le coup d'Etat, la Thaïlande reste attaché aux droits de l'homme et que, "La démocratie devait être fondée sur le respect de la primauté du droit. Et qu'une bonne gouvernance signifiait la transparence, la responsabilité et l'égalité d'accès à la justice." Le ministre des Affaires étrangères a parlé avec éloquence en faveur de la candidature de la Thaïlande pour le Conseil des droits de l'homme pour la période de 2015 à 2017 et de celle pour le Conseil de sécurité pour la période de 2017 à 2018. Toutefois, compte tenu de la forte baisse des droits de l'homme et des fortes disparités pour l'accès à la justice à la suite du coup d'Etat, qui comprennent le maintien en détention sans inculpation de Patiwat et Pornthip pour leur participation à la représentation d'une pièce de théâtre, cette déclaration ne peut pas être considéré comme sincère.

La Commission asiatique des droits de l'homme demande instamment au Conseil national pour la paix et l'ordre d'agir avec sincérité selon les principes de démocratie et de droits de l'homme dont le ministre des Affaires étrangères Tanasak a parlé à l'Assemblée générale des Nations Unies. Un moyen concret de le faire serait de libérer immédiatement aussi bien Patiwat que Pornthip et de décider que les enquêtes contre eux et les autres personnes poursuivies en vertu de l'article 112, soient annulées. La Commission asiatique des droits de l'homme condamne sans équivoque le coup d'Etat dans les termes les plus forts possibles et tient à exprimer sa vive préoccupation face à la négation de la liberté d'expression et à l'expansion de la chasse aux sorcières contre ceux qui expriment, ou ont exprimé dans le passé, des critique ou opinions dissidentes. Penser différemment que la junte n'est pas un crime.

Pornthip, 25 ans, actuellement détenue dans la prison centrale pour femmes de Bangkok

Pornthip, 25 ans, actuellement détenue dans la prison centrale pour femmes de Bangkok

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6 octobre 2014 1 06 /10 /octobre /2014 12:21

Extrait du livre de Giles Ji Ungpakorn "Un coup d'Etat pour les riches"

Lien:

http://redthaisocialist.com/books/71-a-coup-for-the-rich.html

 

Dans les premières heures du 6 octobre 1976, des policiers thaïlandais en uniforme se positionnèrent dans le parc du Musée National, voisin de l'université Thammasat et anéantirent, d'une implacable grêle de balles d'armes automatiques, un rassemblement pacifique d'étudiants et de travailleurs sur le campus de cette dernière. Au même moment, une importante bande "de forces officieuses" d'ultra-droite, connues sous les noms de Scouts de Village, Krating Daeng et Nawapon, s'adonnèrent à une orgie de violence et de brutalité envers tous les gens à côté de l'entrée principale de l'université. Des étudiants et leurs partisans furent trainés en dehors de celle-ci et pendus aux arbres autour de Sanam Luang, d'autres furent brulés vivant devant le Ministère de la Justice tandis que la foule dansait autour des flammes. Des hommes et des femmes, morts ou vivants, furent soumis aux plus extrêmes comportements violents et dégradants.

Dès avant l'aube ce matin-là, les étudiants furent empêchés de quitter le campus par la police qui était positionnée à chaque porte. A l'intérieur du campus bouclé de l'université, la violence fut exécutée par des policiers lourdement armés de la Division de Suppression du Crime, de la Police de Patrouille des Frontières et des Unités de Forces Spéciales de la Police Métropolitaine. Des étudiants, hommes et femmes, désarmés qui avaient fuis les lieux initiaux de lourde fusillade pour se réfugier à l'intérieur du bâtiment de la faculté de commerce furent poursuivis et obligés de s'allonger face à terre sur le terrain de football, sans chemises. Des policiers en uniforme tiraient sans discontinuer à la mitrailleuse au-dessus de leurs têtes. La chaleur des tirs qui passaient au-dessus d'eux brula la peau de leurs dos nus. D'autres étudiants qui essayèrent de s'enfuir des bâtiments du campus par l'entrée arrière de l'université, furent traqués et abattus sans pitié.

Les actions de la police et de la foule d'extrême droite lors du 6 octobre furent l'aboutissement des tentatives par la classe dirigeante d'en terminer avec le développement d'un mouvement socialiste en Thaïlande. Les événements de l'université Thammasat furent suivis d'un coup d'état militaire qui amena au pouvoir un des gouvernements les plus à droite de l'histoire de la Thaïlande. Dans les jours qui ont suivis, les bureaux et les maisons des organisations subirent des raids. Les syndicalistes furent arrêtés et les droits syndicaux réduits. Les journaux de Gauche et de Centre Gauche furent supprimés et leurs bureaux mis à sac. Les partis politiques, les unions étudiantes et les organisations paysannes furent interdits. Le nouveau régime militaire communiqua une liste de 204 livres illicites. Les bibliothèques des universités furent fouillées et des livres furent confisqués et brulés publiquement. Quand l'entrepôt et la librairie de Sulak Sivaraksa furent mis à sac, on brula plus de 100 000 livres. En plus des ouvrages communistes évidents comme Marx, Engels, Lénine, Mao ou Jit Phumisak, des auteur comme Pridi Bhanomyong, Maxime Gorky, Julius Nyerere, Saneh Chamarik, Chai-anan Samudwanij, Charnvit Kasetsiri et Rangsan Tanapornpan apparurent sur la liste des livres interdits. Le désir de la classe dirigeante thaïlandaise de détruire le développement du mouvement socialiste, spécialement dans les zones urbaines, peut être compris en observant le climat politique de l'époque. Trois ans auparavant, le mouvement de masse du 14 octobre avait renversé les militaires, qui étaient au pouvoir depuis 1957. Cependant, l'établissement d'une monarchie parlementaire ne régla pas les problèmes sociaux profondément enracinés. Donc, les protestations, les grèves et les occupations d'usines s'intensifièrent. Au même moment, les Etats Unis étaient en train de perdre la Guerre du Vietnam. En 1975, des gouvernements communistes avaient pris le pouvoir dans les pays voisins du Laos, du Cambodge et au Vietnam tandis qu'en Thaïlande, l'insurrection rurale conduite par le Parti Communiste Thaïlandais s'amplifiait. Les événements du 6 octobre et le coup d'état qui a suivi n'ont pas été un simple retour des militaires au gouvernement. Ils furent une tentative d'écraser le mouvement populaire pour la justice sociale, pour éradiquer la Gauche et renforcer la position des élites. Ce n'était ni la première, ni la dernière fois que l'élite thaïlandaise avait recours à la violence et au coup d'état pour protéger ses intérêts.

Il serait faux de penser qu'il y eut un plan détaillé et bien coordonné, de l'entière classe dirigeante, qui conduisit aux événements du 6 octobre. Inversement, il serait aussi erroné de suggérer que seul un ou deux individus ou groupes furent derrière l'écrasement de la Gauche. Ce qui est arrivé le 6 octobre fut le résultat d'un consensus parmi la totalité de la classe dirigeante sur le fait qu'un système démocratique ouvert donnait "trop de liberté" à la Gauche. Cependant, il est probable qu'il y eut aussi bien des accords que des désaccords sur comment agir exactement et qui devrait agir. Le point de vue général était que des "méthodes extra-parlementaire" devraient être utilisées, dirigées par l'établissement de divers groupes fascistes. Le rôle du Palais lors des événements à été débattu par beaucoup d'écrivains. La plupart expriment l'idée que celui-ci aida, dans un sens large, à paver la voie pour un coup d'état en donnant son soutien ouvert à la Droite. Ce que nous savons, c'est que le Palais supporta ouvertement et encouragea les Scouts de Village. De plus, il était proche de la Police de Patrouille des Frontières qui fonda le mouvement des Scouts de Village et joua aussi un rôle central dans le massacre de Thammasat. Pour finir, juste avant les sanglants événements, des membres du Palais ont rendus une visite à l'ex dictateur Thanom peu après son retour en Thaïlande.

L'image générale de la classe dirigeante qui émerge durant 1976 est son degré d'unité dans son besoin de détruire la Gauche mais aussi de ses désaccords sur comment le faire et, beaucoup plus important, sur qui allait diriger le pays. Cela eut des conséquences importantes sur l'évolution de la dictature post-1976. La conséquence immédiate du bain de sang de Thammasat fut que des milliers d'étudiants partirent à la campagne rejoindre la lutte menée par le P.C.T. contre l'état thaïlandais. Toutefois, au bout d'un an, le gouvernement d'extrême droite de Tanin Kraivichien fut chassé du pouvoir. Ceux qui prenaient le dessus dans la classe dirigeante étaient convaincus que, non seulement la nature des mesures prises le 6 octobre, mais aussi la façon dont le gouvernement Tanin se conduisait, créaient de grandes divisions et une instabilité à l'intérieur de la société et aidaient le Parti Communiste Thaïlandais à se développer. Il n'est pas étonnant que ces officiers de l'armée qui défendaient une ligne plus libérale fussent ceux qui étaient sur le front à combattre contre le P.C.T. Ils comprenaient, comme beaucoup de militaires dans ce cas, que la lutte contre la Gauche devait impliquer une sorte d'accord politique en plus de l'utilisation de la force. Comme le Général Prem Tinsulanonda, Premier ministre de 1980 à 1988, l'a fait remarquer lors d'une émission de la chaine de télévision ITV en 1999: "Les étudiants ont rejoints les Communistes parce qu'ils furent brutalement réprimés. Le moyen de saper les Communistes était d'établir la justice dans la société."

Trois ans après 1976, le gouvernement décréta une "amnistie" pour ceux qui étaient partis se battre au côté des communistes. Cela coïncida avec des disputes et des scissions entre les activistes étudiants et les dirigeants conservateurs du P.C.T. En 1988, les premiers étaient tous retournés en ville lorsque le P.C.T. s'effondra. La Thaïlande était revenue à un système de démocratie parlementaire presque complet mais avec une condition spéciale: c'était une démocratie parlementaire sans partis de Gauche ou représentant les intérêts des ouvriers et des petits paysans. Auparavant, les partis de Gauches, comme le Parti Socialiste, le Front Socialiste et Palang Mai (Nouvelle Force) avaient obtenus 2,5 millions de voix (14,4%) lors de l'élection législative de 1975. Ces partis avaient gagnés beaucoup de sièges dans le nord et le nord-est du pays et, en dehors de l'arène politique légale, le Parti Communiste Thaïlandais avait aussi eu une grande influence. Dorénavant, la Gauche organisée était détruite.

Vidéo du massacre

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5 octobre 2014 7 05 /10 /octobre /2014 16:13

Un article de Giles Ji Ungpakorn

Lien:

http://uglytruththailand.wordpress.com/2014/10/05/what-do-we-see-when-we-compare-the-6th-october-massacre-with-todays-crisis/

 

Le massacre du 6 octobre 1976 à l'Université Thammasart était une tentative de la classe dirigeante thaïlandaise afin d'écraser le grandissant mouvement de gauche qui s'était développé suite à la révolte victorieuse contre la dictature militaire trois ans plus tôt.

Un point important sur ​​le mouvement des années 1973-1976 était que, pour lui, la démocratie et l'égalité économique ne pouvaient pas être séparés. Le soulèvement de 1973 était un mouvement de protestation contre la dictature, mais aussi contre les politiques néo-libérales répressives des gouvernements militaires, lorsque les dirigeants et les élites s'enrichissaient alors que les salaires restaient stagnants et que le développement rural était quasiment inexistant. Les événements étaient étroitement liés avec les grèves et les protestations des travailleurs et des paysans. Les étudiants et les travailleurs ont soutenu le Parti Communiste, car ce parti était à la fois contre la dictature et l'injustice économique.

La crise politique actuelle et les successions de coups d'Etat militaires et judiciaires depuis 2006, sont également le résultat de la révolte contre les inégalités économiques par la masse de la population. Mais c'est une révolte sous une forme différente. Depuis l'effondrement du Parti Communiste, la gauche est devenue trop faible pour exprimer les frustrations des gens ordinaires qui travaillent dans les villes et les villages. C'est le grand homme d'affaires Taksin qui a ouvert une boîte de Pandore en proposant des politiques concrètes afin de moderniser le pays après la crise économique de 1996. Ces politiques incluaient un régime universel de services de soins de la santé et la création d'emplois. Taksin a déclaré que la majorité des gens qui étaient pauvres étaient des potentielles parties prenantes, et non pas un fardeau pour la société. La majorité de la population a répondu avec enthousiasme parce qu'auparavant la classe dirigeante faisait payer les pauvres pour la crise. Même lorsque l'économie était en plein essor, les salaires n'augmentaient jamais aussi vite que les énormes profits générés par les affaires et la population n'avait jamais été respectée par les élites. Cette alliance entre Taksin et l'électorat est vite devenue intolérable pour les conservateurs, les militaires et les classes moyennes. La dictature actuelle cherche à revenir sur la politique universelle et gratuite des soins de santé et veut faire payer les gens pour les traitements hospitaliers. Elle s'oppose à la hausse des salaires, ne voulant pas donner aux gens un salaire décent, et favorise l'idéologie d'extrême droite d'économie de suffisance du roi.

Un autre point important, quand on regarde vers les années 1970, est la question de l'organisation. Le Parti Communiste a entrepris de bâtir un parti de masse sur la base de sa version stalinienne et maoïste de la politique de gauche. Lorsque le parti a été défait dans les années 1980, certains de ses anciens membres ont tourné le dos à l'organisation politique et à la théorie politique consciente. Ils ont rejeté la nécessité de prendre le pouvoir. Certains ont rejoint le parti Thai Rak Thai de Taksin, certains sont devenus membres des ONG et d'autres sont devenus des hommes d'affaires royalistes et réactionnaires ou des universitaires. Les leçons sur la façon de construire un parti politique de masse ont été perdues. Les Chemises rouges ont construit un mouvement de masse pour la démocratie, souvent de niveau local, mais la direction était entre les mains de l'UDD qui suivait Taksin. Maintenant que Taksin et Yingluk ont capitulé devant l'armée pour leurs propres fins, les Chemises rouges de la base sont perdus sur la façon de lutter contre la dictature.

Un troisième point important à considérer, quand on observe le 6 octobre 1976 et la situation d'aujourd'hui, est la brutalité de la classe dirigeante thaïlandaise. Depuis les années 1970, encore et encore, jusqu'au massacre des Chemises rouges par l'armée en 2010, la classe dirigeante thaïlandaise a été préparée pour noyer dans le sang tout mouvement pour la liberté, la démocratie et l'égalité économique. C'est sa vraie nature. Elle utilise la violence contre le peuple thaïlandais afin de protéger ses intérêts de classe. Pourtant, certains idiots occidentaux parlent encore de la façon dont les "Thaïs cherchent à éviter la confrontation".

Les classes moyennes ont soutenu la dictature brutale en 1976, certains ont jubilé ouvertement quand les étudiants ont été suspendus à des arbres et brûlés vifs. Aujourd'hui, elles soutiennent la dictature et ont pris part à des actes de violence pour empêcher les élections. Elles sont heureuses de voir les militants pro-démocratie incarcérés dans les prisons.

Le massacre du 6 octobre 1976, et la défaite finale des communistes dix ans plus tard, a ouvert la porte à une forme de politique de l'argent basée sur le système patron-client. Cela n'a commencé à changer qu'après le soulèvement de 1992 contre une autre dictature, la crise économique de 1996, la rédaction d'une nouvelle constitution et enfin la création du Thai Rak Thai.

Maintenant, les militaires, main dans la main avec leurs amis réactionnaires, veulent revenir à nouveau en arrière avec leurs anti-réformes.

Il n'est donc pas étonnant que la junte et les autorités universitaires réactionnaires ont interdit les manifestations commémoratives annuelles pour le 6 octobre et interdit tous les séminaires publics sur la démocratie. Ils veulent enterrer l'histoire de notre lutte.

Des étudiants massacrés par les fascistes le 6 octobre 1976

Des étudiants massacrés par les fascistes le 6 octobre 1976

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5 octobre 2014 7 05 /10 /octobre /2014 08:46

Un article de Thai Political Prisoners

Lien:

https://thaipoliticalprisoners.wordpress.com/2014/09/29/denying-lese-majeste-charges/

 

Le Bangkok Post rapporte qu'un autre détenu pour lèse-majesté a été promené entre la prison et le tribunal. Prasit Chaisisa, un ancien député élu du Parti Pua Thai de Surin, a défilé de la prison au tribunal lundi. Il a nié devant la Cour pénale "avoir insulté la monarchie". Son procès devrait commencer le 20 février prochain.

Prasit a été accusé de lèse-majesté "pour un discours prononcé lors d'un meeting du Front Uni pour la Démocratie contre la Dictature (l'UDD) à l'Imperial Lad Phrao (Bangkok) le 7 mai dernier". L'ancien commandement des opérations de sécurité intérieure anti-communiste a jugé que son discours était "une insulte envers la monarchie" et l'a dénoncé.

L'ancien député ne fera pas de nouveau face à la cour ni aux témoins avant le 20 février prochain. Il a été arrêté le 29 mai dernier. En d'autres termes, il aura été maintenu en prison sans liberté sous caution pendant neuf mois avant que son procès ne commence. Encore une fois, ces longues détentions sans accès adéquat à des avocats en raison du refus de libération sous caution, équivalent à un traitement inhumain.

Prasit Chaisisa embarqué par des policiers

Prasit Chaisisa embarqué par des policiers

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4 octobre 2014 6 04 /10 /octobre /2014 17:41

Le 15 septembre dernier, David Miller, 24 ans, et Hannah Witheridge, 23 ans, ont été assassiné sur l’ile de Koh Tao en Thaïlande. Il semble que deux hommes ont violés la jeune femme après avoir tué le jeune homme qui essayait de la défendre. Ensuite, après le viol, ils ont tués la femme.

Les policiers chargés de l’enquête (des policiers de Surat Thani) ont d’abord accusé des immigrés birmans d’être responsables du meurtre, puis ensuite ont affirmé qu’un autre touriste anglais les avait assassinés par jalousie, puis, après le témoignage d’un jeune écossais affirmant que deux Thaïlandais avaient suivis la jeune touriste anglaise sur la plage le soir du meurtre, ont prétendu poursuivre l’enquête en demandant aux deux Thaïlandais des exemplaires de leurs ADN que ces derniers ont refusé de leur donner et ont ensuite été menacer le jeune écossais de mort (il a dû fuir l’ile et le pays suite à cela). Enfin, ils terminent l’enquête en arrêtant deux jeunes immigres birmans et en les torturant pour qu’ils avouent.

Donc, bien sûr, nous sommes en droit de nous poser quelques questions.

Pourquoi les deux Thaïlandais qui ont menacé Sean McAnna, le jeune témoin écossais qui a vu qu'ils suivaient Hannah Witheridge, la touriste anglaise violée et assassinée, la nuit du meurtre, et qui ont refusé de donner un échantillon de leur ADN à la police, n'ont-ils pas été arrêtés?

Et pourquoi Sean McAnna, le témoin, a-t-il dû fuir en Thaïlande après son témoignage à la police?

La photo des deux Thaïlandais publié par Sean McAnna sur sa page facebook

La photo des deux Thaïlandais publié par Sean McAnna sur sa page facebook

Le fait que ces deux Thaïlandais aient refusé de donner un échantillon de leur ADN à la police prouve deux choses:

1 - Ils sont plus puissants que les policiers qui n'avaient aucun moyen de les obliger à le faire.

2 - Ils ont quelque chose à cacher.

Certains soupçonnent que ces deux Thaïlandais aurait auparavant été des gardes du PDRC durant la fermeture de Bangkok entre novembre 2013 et mai 2014 par ce mouvement antidémocratique. Le chef du PDRC était Suthep Thaugsuban, le politicien mafieux de la province de Surat Thani dont l'ile de Koh Tao fait partie. La fermeture de Bangkok par le PDRC a donné au général Prayuth le prétexte qu'il fallait pour organiser son coup d'Etat et prendre le pouvoir. Ceci pourrait expliquer cela de plus que Prayuth s’est mêlé à deux reprises à l’enquête, la première en faisant une affirmation comme quoi les touristes qui se promenaient en bikini sur la plage le faisaient à leurs risques et périls et la deuxième tout récemment en affirmant que les deux boucs émissaires birmans étaient les coupables. Mais les deux pauvres jeunes birmans risquent d'être condamnés à la peine de mort pour cela.

Les deux gamins birmans qui risquent de payer pour un crime commis par des Thaïlandais

Les deux gamins birmans qui risquent de payer pour un crime commis par des Thaïlandais

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